Bien, le prologue étant fini...
Lumière Sombre
Makim dressa les oreilles. Son petit museau tenta en frétillant de sentir de quel côté venait le danger dont son instinct le prévenait. Caché dans une touffe d'herbes hautes, une noisette entre les mains, l'écureuil attendit patiemment que son ennemi se montre, ou se lasse. Après quelques secondes de silence totale (si on peut appeler silence l'ambiance feutrée mais vivante d'une forêt comme la Yavimaya), il décida de tenter une sortie, vers la souche d'un arbre qui avait certainement du voir naître Multani, le doyen sylvin de la forêt qui avait maintenant plusieurs millénaires. Il n'avait pas fait trois bonds, qu'un firmillon, aussi vivace que végétarien, sauta du haut d'un arbre, en vue certainement de lui voler sa noisette. Makim l'évita de justesse, et dans un petit cri perçant, courut à perdre haleine vers les buissons (qui tout compte fait en cet instant semblaient plus sûrs que la souche d'arbre).
Le firmillon se releva, chancelant, la machoire douloureuse. L'écureuil qui tenait son petit-déjeuner avait fuit en un éclair, et avait laissé place à un sol rugueux et (cela venait d'être prouvé) extrêmement solide. Mais cela ne l'empêcherait pas d'arriver à ses fins. Il avait vu le petit animal se faufiler vers un buisson d'aubépines, et une chose était sûre, il avait beau être rapide, les enjambées du firmillon n'en feraient qu'une bouchée. Il courut à sa poursuite en secouant la tête pour retrouver une vue normale et plongea sur le buisson avec la vélocité d'un... et bien d'un firmillon, ces bêtes étant réputées pour être certaines des plus véloces de Terisiare. Le choc physique fut aussi violent que l'étonnement qui en découla. Quelque chose ne collait pas, le buisson était solide. Pas qu'un buisson soit liquide d'habitude, mais la machoire du firmillon fut de nouveau douloureuse, et jamais il n'avait vu un buisson lui faire mal. Il releva lentement la tête (il aurait préféré la lever d'un coup, mais elle sonnait comme un cor de chasse), et se retrouva nez à nez avec un dragon de la plus belle espèce, vert comme un buisson... et dur comme un rocher. L'animal eut un simple haussement de sourcil, l'air de dire : "Surprise", et il lacha un rôt assez brûlant pour griller tous les poils du firmillon, qui reparti aussi sec dans la mare la plus proche. Le dragon toussota quelque secondes, alors que sur son dos, Makim gloussait de satisfaction.
"C'est qu'il aurait volé notre dessert, le sagouin, ria-t-il.
_ C'était la première et la dernière fois, enchaina le dragon, il reviendra pas de sitôt."
Et l'écureuil commenca à planter sa noisette sur un baton pour la faire chauffer au-dessus des naseaux fumants de son compagnon.
La cuisson était presque achevée, quand un bruit de pas lourd et pressé se fit entendre au loin. Quelques oiseaux peureux s'envolèrent au gré des arbres qui semblaient être écartés au passage d'un occupant de la forêt. Un occupant massif apparemment.
"Quoique ce soit, si ça vient pour la noisette, je te conseille de lui donner sans résistance, lacha le dragon, qui au demeurant s'appelait Reoh, je suis trop vieux pour ces bêtises..."
Alors que le bruit se rapprochait, Makim était de plus en plus inquiet. Pas pour lui, pour sa noisette. C'est alors que le possesseur de ces bruits de pas fit son apparition dans la clairière. La déception des deux amis fut presque aussi grande que leur crainte. Ce n'était pas l'énorme bête baveuse à laquelle ils s'attendaient, mais simplement un sylvin (qu'ils n'avaient jamais vu par ailleurs) au visage amicale, aux branches vertes et au regard vivace. Il avait simplement un pas lourd à faire fuir des oiseaux peureux. Il s'arrêta devant Reoh et Makim, qui soufflait de soulagement sur sa noisette (et peut-être également pour éviter de se brûler).
"J'ai bien cru que cette forêt était vide, leur lanca-t-il, cela fait plusieurs heures que je n'ai pas vu âme qui vive. Après tout le chemin que j'ai fait... Je m'appelle Thesys, je viens de Boisbleu."
Devant l'incompréhension des deux amis, il continua :
"Une forêt bien à l'Ouest d'ici, pès de la côte.
_ Heureux de l'apprendre, dit Reoh. Et que nous vaut l'honneur de notre visite ?
_ Il faut que Multani rassemble le conseil. Notre monde est en danger..."
Le Conseil de la Yavimaya, mené par Multani, ne se rassemblait qu'en de très rares occasions, et lorsque cela se produisait, chacun savait que les circonstances étaient assez grave pour l'expliquer. La Yavimaya, le berceau de Dominaria, l'ultime descendante des anciens temps, était devenu un pôle pour les grands esprits du Monde... Au conseil siégeaient les plus anciens Dominariens, qui comme la forêt avaient survécu aux cataclysmes et au changements sans en être dénaturés. Les discussions de ce "conclave" étaient tenues secrètes, et tous dans la Yavimaya respectaient ce secret. Ce jour là pourtant, le sujet semblait assez grave pour rassembler chaque habitant de la forêt. Dans une grande clairière se tenait un équipage hétéroclite de sylvins rugueux, placides et millénaires, d'elfes élancés, de firmillons, de dragons; les carnassiers cotoyaient les herbivores et les diurnes les noctambules...
S'avancant majestueusement vers le centre de la clairière, Aneleh, le dragon gardien de la Yavimaya, déclara le Conseil ouvert. Alors Multani pris la parole.
"Nombreux sont ceux d'entre vous qui ne se doutaient même pas de l'existence de Boisbleu, commenca-t-il, une forêt paisible qui vivait jusqu'ici en autarcie sans pour autant dénigrer ses alliés, j'en veux pour preuve qu'aujourd'hui elle nous envoie en la personne deThesys un émissaire pour nous prévenir de choses étranges se passant là-bas. Des choses assez étranges pour qu'ils décident de nous en faire part, et de nous demander aide et conseils. J'ose espérer que chacun d'entre nous saura s'en montrer digne."
Ayant dit cela, il fit signe à Thesys de s'approcher au centre de la clairière, ce qu'il fit avec toute la dignité qu'il put trouver malgré l'angoisse qui semblait le tenailler, et le fait que cette assemblée l'impressionne au plus haut point. Alors que tous le regardaient, silencieux et intéressés, il se décida à parler.
"Boisbleu a toujours été le théâtre d'évènements sortant de l'ordinaire, se hasarda-t-il. Pour je ne sait qu'elle raison, la forêt été le lieu privilégié des affrontements entre dauthis et soltaris, passant de la côte corellienne par l'Entremonde jusque chez nous pour continuer leur guerre inutile. Nous avons dépensé de l'énergie à les repousser, mais aujourd'hui, ces combats et ces fractures d'énergie sont certainement la cause de ce qui arrive. Le voile entre les mondes semble avoir été fragilisé, et Boisbleu a peut-être été contaminée. Il y a plusieurs lunes, un arbre au beau mlieu de la forêt s'est mis à briller. Pas comme brillerait le soleil, ou une étoile, non. Il brille d'une lumière noire, sombre qui semble être un gouffre absorbant la chaleur et toute autre lumière. L'arbre s'est mis à déployer ses branches, et à dévorer la vie passant à sa portée. Les rares et valeureuses créatures qui ont pu s'en approcher sans périr ont dit que cette lumière semblait être une brèche, un passage pour des créatures lumineuses, et que chaque victimes de l'arbre agrandissait ce passage. Cette brèche ne s'agrandira pas, plus aucun être ne s'approche assez de cet arbre pour en être la victime. Nous n'avons pas réussi à le détruire, mais cela ne tardera pas. La pourriture ne peut survivre à Boisbleu. La nature fait de chaque marais un ruisseau, de l'eau croupie une onde pure. Mais si je suis venu ici, c'est qu'il est probable que d'autres brèches apparaissent. Et le plus important, à quoi cela rime-t-il ?
_ C'est une invasion."
La voix venait de la forêt. Un personnage entouré d'une étrange aura s'approcha.
"Mercadia est déjà en cours d'infestation, mais c'est Dominaria qui les intéressent, et plus encore, la capacité de Dominaria d'être en contact avec le Vrai Monde. Si le Vrai Monde est touché, tout ce qui constitue le Multivers cessera d'exister."
Pour tous, ce n'était qu'un personnage mystérieux d'où émanait une antique puissance. Pour Multani, il était bien plus que ça.
"Ertaï, dit-il, le souffle coupé. Tu as disparu depuis des siècles, contaminé par les Phyrexians, et aujourd'hui te voilà devant moi. Dois-je me réjouir ou me méfier ?
_ Seul mon corps a préservé des partielles de mon essence phyrexiane par delà la mort. Mon esprit, et vous, ne risquez rien."
Une autre voix fit lever les yeux au ciel.
"Et si nous avons été renvoyés ici, ce n'est pas pour faire le mal, mais plutôt pour le combattre."
La voix venait du soleil. Ou de devant le soleil. Une créature ailée descendit se poser près d'Ertaï. Serra, la déesse, la créatrice de plan, l'ange qui était mort en défendant son monde de l'attaque des shälämäks, se tenait au milieu de l'assemblée. Devant le regard étonné de Multani, Serra continua :
"Bien d'autres encore sont revenus. Nous pourrions tous vous expliquer, mais cela ne ferait que déstabiliser le destin.
_ Rayne et Barrin m'attendent au dehors pour faire route vers le Vrai Monde, reprit Ertaï
_ Pardonnez-moi, interrompit Aneleh, vous parlez ici d'illustres personnages dont je n'ai conscience que dans des souvenirs collectifs, mais... vous avez parlé d'invasion, et maintenant de Vrai Monde ?
_ Le Vrai Monde est notre estle Monde au-delà, au-delà même de Nü, le Monde originel, celui dans lequel nous ne sommes que des jouets entre les mains des hommes, et si chaque monde est en péril, il est logique que nous allions leur demander de l'aide. Quand à l'invasion, je sais seulement que les créatures lumineuses que vous avez vu viennent du Vrai Monde, mais rares sont celles qui ont un réel pouvoir là-bas. En pénétrant ici, elle fragilise l'Entremonde, et si l'Entremonde se déchire, tous les mondes ne feront plus qu'un, et elles pourront déferler. Le portail qui tente de s'ouvrir à Boisbleu n'est pas unique, partout sur Dominaria, des phénomènes identiques se produisent pour les mêmes raisons. Et il y a sûrement une entité derrière tout cela, tirant les ficelles quelques part.
_ Comment ? demanda Multani, comment savez-vous cela ? Comment êtes vous revenu ? Dans quel but ?
_ Nous ne savons pas vraiment, expliqua Serra, ou du moins nous n'en savons pas assez. Nous sommes apparu sur Dominaria avec une seule certitude en tête : nous devions être là pour l'Ultime bataille du Multivers, chaque force sera utile. Et le globe de Ruelf qui se trouvait à nos pieds nous expliqua le reste.
_ Ruelf, reprit Multani, l'Oracle, le représentant de Nü, le détenteur de la vérité ? Ce n'est rien d'autre qu'une légende, certainement morte depuis longtemps.
_ Nous sommes des légendes, Multani, qui plus est morte depuis longtemps, et pourtant nous sommes là, bien vivants, à tergiverser. Si tu as vécu aussi longtemps, si nous avons été ramenés, c'est pour une raison précise. J'ai bien peur que la fin ne soit en marche si nous ne faisons pas rapidement quelque chose. Le Conseil va devoir s'agrandir à tout Terisiare, et rassembler la puissance de chaque essence de mana, sinon nous n'avons aucune chance..."
Et voilà pour aujourd'hui. Je sais, c'est long, mais je suis dans mon trip de me faire une storyline détaillée. La suite plus tard.