Les Seigneurs/
The Wanderers ( Philip Kaufman,1979 )
Richie ( Ken Wahl ) et Joey ( John Friedrich ) font partie d’un gang de jeunes italiens, les Wanderers. A l’occasion d’un combat contre les Baldies, ils sont sauvés par Perry ( Tony Ganios ) qui rejoint leur bande. Les Wanderers doivent ensuite affronter un gang de noirs mais sont en forte infériorité numérique.
Le meilleur film de gang au monde, c’est
Les guerriers de la nuit de mon chouchou Walter Hill. Pourtant la même année sortait un intéressant challenger, ce
Wanderers d’un cinéaste qui contrairement à Hill trouvera une consécration critique avec
L’Etoffe des héros ou son adaptation de Kundera.
Les Seigneurs est un excellent film. Son énergie déborde de partout, les acteurs s’en donnent à cœur joie dans des rôles de kékés immatures qui enchaînent les vannes à toute vitesse, d’autant plus que les dialogues sont extrêmement drôles ( " il a dit qu'on avait l'air de bites à oreilles ! " " Mais non j'ai dit que... que vous aviez l'air d'une bande d'oreilles sans bites ! Salut ! "). Au milieu d’une galerie de portraits tellement caricaturaux qu’ils en deviennent hilarants ( l’énorme skinhead de deux mètres et sa copine d’un mètre 40 qui insulte les héros tout le temps, les chinois qui s’appellent tous Wong et font tous du kung-fu ) perce un sentiment de nostalgie, de fin d’époque et il n’est pas anodin que le film se termine après l’annonce de la mort de Kennedy, peu avant qu’un personnage parte écouter Dylan chantant " The times they are a-changin’ ".
La BO est du tonnerre de dieu avec tous ses tubes rock 50’s et à l’occasion d’une mémorable séquence de strip-poker, on a même droit à Karen Allen ( la future Marion dans
Les Aventuriers de l’arche perdue ) en sous-vêtements.
Il y a beaucoup d’éléments que j’ai adoré dans ce film : le côté ethnique permet à la fois d’avoir 328 blagues racistes mais ou paradoxalement, le gang de skinhead semble être le seul à s’en foutre ( l’adjoint du chef est même noir ! ) ; le vrai gang de méchants, les Ducky Boys, est représenté d’une manière fantasmagorique qui peut rappeler les assaillants du
Assaut de Carpenter, d’où la nécessité d’une union des ritals, des chinois et des noirs pour leur péter la gueule comme ils le méritent ; ou encore les séquences de drague ou les Wanderers rivalisent d'imbécilité pour avoir la chance de toucher des nichons.
Je le mettrais même au niveau du Walter Hill si il y avait une scène aussi anthologique que, par exemple, le " CAN YOU DIG IT ? " de Cyrus. Mais c’est excellent. Vraiment à découvrir.
Les 11 guerriers du devoir ( Eiichi Kudo, 1967 )
Un haut dignitaire shogunal tue lors d’une chasse au cerf un paysan. Les terres appartenant à un daimyo local, celui-ci vient se plaindre et est tué à son tour par le dignitaire. Face à l’absence de réaction des autorités, un groupe de samouraïs est mis en place en vue d’assassiner le tyran.
C’est le troisième film de Kudo traitant de la rébellion contre un pouvoir dictatorial, après
Les 13 tueurs - que j’ai vu - et
Le grand attentat - que je n’ai pas vu. Formellement comme narrativement, on est très très proche des
13 tueurs puisqu’en plus d’un postulat de départ qui est exactement le même, on retrouve des personnages identiques : le tyran immature et son second qui accomplit son devoir sans plaisir, avec en face un dignitaire déchu qui monte un groupe avec entre autres son homme de confiance un jeune inexpérimenté, un ronin… Seule innovation, la présence ici d’une femme parmi les 11 guerriers, qui aura une certaine importance narrative.
Par rapport aux
Treize tueurs, les 11 guerriers du devoir dure une demi-heure de moins ; c’est bénéfique car du coup il contient beaucoup moins de longueurs, sauf qu’en contrepartie la grande scène d’action finale, préparée durant tout le reste du film, est ici plus courte et moins marquante, même si Kudo la filme extrêmement bien. Un autre point qui me déplait : je trouve Kudo très médiocre directeur d’acteurs et l’abondance de scènes outrées, d’énervements, de pleurs et de cris me semble assez forcé. Comme dans
les 13 tueurs, il peine à faire exister tous les membres du commando et seuls trois ou quatre d’entre eux possèdent un minimum de psychologie.
Ceci dit, Kudo a un vrai talent ( son sens du cadre est sans défaut ) et a le mérite d’une charge frontale contre l’impérialisme dans un contexte ou peu de cinéastes étaient allés aussi loin dans la critique acerbe du shogunat. Reste que dans le style cinéaste gauchiste, je trouve plus mon bonheur du côté de Gosha ou de Kobayashi ( le scénariste Shinobu Hashimoto étant d’ailleurs derrière une bonne partie des chambaras les plus radicaux, comme dans le western italien on retrouvait souvent Franco Solinas ). Un témoignage intéressant mais trop inégal.
Phantom of the Paradise ( Brian De Palma, 1974 )
Winslow Leach ( William Finley ) est un talentueux compositeur qui s’est fait voler son travail par le célèbre Swan ( Paul Williams ). En cherchant à récupérer son du, Leach est défiguré mais au lieu de se venger de Swan, il finit par signer un contrat avec celui-ci ; un contrat signé de son sang.
Monument baroque déjanté et délirant,
Phantom of the paradise fourmille d’idées narratives et formelles comme bien peu de films. Croisant
Le fantôme de l’Opéra,
le Portrait de Dorian Gray et
Faust à la sauce comédie musicale,
Phantom of the Paradise montre des artistes aspirés par le tourbillon du show-business, vendant leur âme pour un succès devant une foule zombifiée. Le propos qui aurait pu être lourdaud passe comme une lettre à la poste car il n’est qu’en filigrane derrière toute la fantaisie qui imbibe le film : on reprend la scène de la douche de
Psychose pour coller un entonnoir dans la bouche d’un mauvais chanteur, on se cache dans un harem de pin-up omnubilées par un Swan d’un mètre 50 tandis que le final avec la tentative de meurtre au milieu de la foule est digne des plus grandes scènes du suspens que De Palma concevra plus tard.
Contrairement à une autre comédie musicale culte dans les milieux un peu marginaux, le
Rocky Horror Picture Show,
Phantom of the Paradise ne confond pas délire et dilettantisme et prouve qu’on peut s’amuser sans pour autant bâcler la forme. C’est typiquement un film qui vaut un million de fois plus que son scénario, parce que transcendant les situations les plus grotesques sur le papier. Tellement frénétique, tellement débordant d’énergie mais aussi tellement vrai sur le fond ( la nécessité pour les artistes de se compromettre en s’adaptant aux envies de la foule, la question de l’image et de la pureté artistique ) sans pour autant oublier d’être drôle. On y trouve dans une version encore embryonnaire les fameux split-screen de De Palma, son jeu sur la profondeur de champ ou encore la présence d’un plan-séquence pour le coup déjà très maîtrisé. Un grand film.
Matalo ( Cesare Canevari, 1970 )
Condamné à mort, Burt ( Corado Pani ) s’évade avec l’aide de mercenaires qu’il abat juste après. Il retrouve ses anciens complices Phil ( Luis Davila ) et Théo ( Antonio Salines ) ainsi que, plus tard, Mary ( Claudia Gravy ), la maîtresse de Phil. Le quatuor dévalise une diligence mais Burt est tué dans l’attaque.
Ceux qui pensaient que
Tire encore si tu peux de Giulio Questi représentait le sommet du western italien sous psychotropes se trompaient.
Matalo est le point de non-retour de la tendance psychédélique au sein du genre, un sommet de n’importe quoi narratif ( l’intrigue aurait été meilleure si révisée par Kiwi ). Cela rend le résultat extrêmement difficile à critiquer objectivement puisque les grandes envolées délirantes peuvent autant captiver qu’agacer. En vrac, six éléments qui rendent le visionnage de
Matalo indispensable pour les déviants et les amateurs de curiosité :
- Un duel final pistolet VS boomerang
- Un score à la guitare plus près du rock psychédélique 70’s que des habituels Nicolai/Morricone.
- Des inserts quasi-subliminaux sur un œil.
- Une femme qui fait de la balançoire en torturant un type attaché au couteau.
- Un combat à mains nues homme VS cheval
- Un prètre récitant la Bible au milieu d'un gunfight sans moufter.
L’illustre inconnu Corado Pani possède du charisme à revendre, plus que le star Lou Castel qui n’apparaît qu’en fin de film et semble un peu se demander ce qu’il fout là. La mise en scène est évidemment baroque au possible, pour le meilleur et pour le pire avec des long travelings aussi réussis que certains inserts font de la peine. A noter une belle photographie et des cadrages recherchés quoique parfois exagérément alambiqués.
Un film dont je ne saurais dire si il est bon ou nulissime mais indiscutablement unique. On notera que je l’ai vu dans des conditions non moins uniques : vidéo russe avec une piste audio anglaise mais une voix-off russe, et des sous-titres français décalés de dix secondes qui doivent traduire au mieux un tiers du film ( heureusement il y a peu de dialogues ).
C'est probablement le film le moins connu dont j'ai jamais parlé ici, même le plus grand expert français en western italien, Jean-François Giré, ne semble pas le connaitre. Merci aux quelques afficionados de westernmovies d'en avoir parlé ; sinon, c'est le remake... d'un western spagh encore moins connu. Curieux de le découvrir un jour.
Batman : Gotham Knight ( plein de monde, 2008 )
Cette série de courts métrages dans la lignée des
Animatrix devait faire le lien entre
Batman Begins et
The Dark Knight. Alors qu’étaient annoncés au départ Satoshi Kon, Masaki Yuasa et Yoshiaki Kawajiri ( c’est-à-dire trois des meilleurs cinéastes d’animation contemporains, y a pas que Miyazaki dans la vie ), une série de défections a entraîné au final un ratage encore moins convaincant que les
Animatrix.
Have I Got A Story For You ( Nishimi Shoujirou ) : Quatre gamins des rues confrontent leur vision de la légende Batman, à la fois une ombre, une chauve-souris volante ou un robot.
Celui-ci est assez agréable à regarder sauf qu’on l’a déjà vu : l’esthétique est exactement la même que celle du
Amer Béton d’Arias, également produit par les studios 4°C et déjà pas tout à fait réussi. C’est assez bien vu de jouer sur le mythe Batman et les différentes facettes de celui-ci mais une fois le principe compris, ben on attend la fin. Graphiquement, si on arrive à accepter le style 4°C, c’est l’un des plus réussis. Il rendrait même presque curieux de la suite…
Tirs Croisés ( Higashide Futoshi ) : Les inspecteurs Ramirez ( en fait on dirait plutôt Renée Montoya ) et Allen confrontent leurs avis divergents sur Batman. Ils se retrouvent coincés au milieu d’une guerre des gangs quand l’homme chauve-souris apparaît.
C’est simpliste, c’est sans relief et surtout c’est super moche dans les scènes d’action. C’était visiblement destiné à introduire le russe et Maroni pour
The Dark Knight sauf que comme on peut les résumer en une ligne ça n’a aucun intérêt. A oublier.
Champ de test ( Morioka Hiroshi ) : Bruce Wayne et Lucius Fox expérimentent un prototype d’engin déviant les balles tirées sur Batman. A l’occasion d’une fusillade entre mafieux, Batman va se rendre compte du risque que fait courir l’appareil aux citoyens.
Ça a l’air bien ? Oui mais non. Moins laid globalement que le précédent, il reste le court-métrage ou le design de Batman est le moins crédible. Sinon ben golf, bagarre, bagarre puis scène trop longue avec un gangster blessé par l’engin de Batman. Ni très intéressant narrativement ni visuellement. Pas honteux mais absolument quelconque.
Là ou repose l’obscurité ( Aoki Yashuhiro ) : Killer Croc a enlevé un cardinal pour le cacher à l’intérieur de son repaire, dans les égouts. Batman va devoir également affronter l’Epouvantail.
Ecrit par l’un des scénaristes de
Batman Begins, cet épisode est forcément aussi intéressant que
Batman Begins, c’est-à-dire pas du tout. Les visions délirantes contre l’Epouvantail ont été utilisées 182 fois dans le dessin animé de 92 et l’affrontement contre Killer Croc est torché à la va-vite. Graphiquement c’est tout à fait correct, par contre. Mais terriblement déjà vu.
Maitriser la douleur ( Kuboka Toshiyuki ) : Batman est gravement blessé au ventre. Alors que son sang s’écoule, il se remémore son apprentissage en Inde de la lutte contre la douleur.
Je suis un peu embêté, parce qu’autant j’ai bien aimé ce court-métrage là, autant je n’ai pas du tout compris ou il voulait en venir. Assez beau graphiquement, contenant les meilleures scènes d’action avec le segment Deadshot et surtout étant le seul court-métrage à posséder une vraie catharsis. J’ai eu l’impression que ce court se terminait au moment ou il aurait vraiment pu devenir excellent. En résumé, totalement frustrant mais mon préféré du tas. C'est aussi le plus original et le plus hermétique.
Deadshot ( Nam Tong-Sik ) : Un tueur à la précision redoutable tente d’assassiner Jim Gordon. Batman va devoir affronter un adversaire aussi rapide que lui.
Kawajiri était prévu pour le réaliser et si il a laissé tomber, ce court-métrage possède indissociablement sa marque dans le design des personnages et la manière de découper les scènes d’action. Et c’est très bien parce que du coup on a le meilleur affrontement des 6 courts-métrages et de loin. Ca se finit un peu rapidement et c’est absolument dénue de profondeur comme d'originalité mais l’espace des cinq minutes de combat j’ai pris mon pied. Par contre filer à Deadshot une voix d'aristocrate anglais, c'est vraiment une idée à la con.
Au final, trois courts-métrages corrects, et trois gros ratages. Le même problème que les
Animatrix ( peu d’envergure, peu de réelle réappropriation de l’univers Batman ) sauf que dans les
Animatrix le segment de Morimoto demeurait bien plus marquant que tous ceux de ce
Gotham Knight. Vraiment, à réserver aux fanboys dont je fais d’ailleurs partie.
Boris.