Hors Ligne Membre Inactif depuis le 04/03/2017 Grade : [Nomade] Inscrit le 26/05/2012 | Envoyé par BaladaTriste le Lundi 25 Juin 2012 à 18:13 Pour Shotgun stories ta description et certaines des photos me font assez penser au film "Animal Kingdom" que j'avais vraiment beaucoup apprécié je doit m'attendre à quelque chose d'assez similaire ou ça à strictement rien à voir?
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 30/06/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 08/12/2002 | Envoyé par Pleykorn le Lundi 25 Juin 2012 à 18:45 Oh putain, ta critique m'a tellement donné envie de trouver Les mois d’avril sont meurtriers !
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/08/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 23/04/2004 | Envoyé par Borislehachoir le Lundi 25 Juin 2012 à 19:14 Je n'ai pas vu Animal Kingdom ; sur le net certains spectateurs ont rapproché les deux films ce qui laisse penser qu'il doit y avoir des points communs, donc je pense que ça vaut le coup d'essayer. D'autres ont cité Gray, je vois des points communs entre leurs univers ( d'ailleurs j'adore James Gray ) même si le Nichols est sans doute plus optimiste. Faut absolument voir aussi Winter's Bone ( truc de rednecks dans la neige, à mi-chemin entre Un plan simple et les premiers Coen mais sans l'ironie ) et les films de Kelly Reichardt, disons Old Joy parce que c'est son premier qui a été distribué en France et celui que je préfère. " Tu vois, dernièrement j'ai fait une grande découverte. Les types comme toi sont de vrais cons. Ca a été l'éclair, l'évidence : vous êtes des cons. Et quand vous vous croyez malins vous êtes encore plus cons. Et c'est ça qui vous fout dans la merde. " Mais des 5 films dont j'ai parlé il est le seul que j'ai galeré à trouver. Ces polars français " désenchantés ", comme Poussière d'ange, ça n'intéresse vraiment pas grand monde j'ai l'impression alors qu'on se tape tout le temps des rediffusions des Belmondo/Delon tout merdiques de l'époque. A la limite, je te conseillerai de commencer par un film avec un humour TRES noir ( Georges Perec aux dialogues rules ! ), des grands moments d'absurde et un Patrick Dewaere inoubliable : le magnifique Série Noire qui est à mes yeux le meilleur polar français des 40 dernières années, rien que ça. Boris, puis celui-là il doit se trouver nettement plus facilement.
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/08/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 23/04/2004 | Envoyé par Borislehachoir le Vendredi 29 Juin 2012 à 23:52 J’ai engagé un tueur ( Aki Kaurismaki, 1990 )
Henri Boulanger ( Jean-Pierre Léaud ), français travaillant pour une société britannique à Londres, est licencié après 15 années de boulot. Ses tentatives de suicide ratant les unes après les autres, il vide son compte en banque afin d’engager un tueur pour l’assassiner. Alors qu’il l’attend, Henri tombe amoureux de Margaret ( Margi Clarke ) et reprend goût à la vie. Encore une fois, un point de départ sordide sur un thème de société ( toujours le chômage d’ailleurs ) se transforme en œuvre burlesque grâce à l’humour de Kaurismaki, bien aidé ici par un Jean-Pierre Léaud totalement déphasé ; que ce soit l’acteur ( ma sœur m’a confirmé qu’il était à moitié dingue et shooté aux médicaments ) ou le personnage, ça tombe à point nommé ici puisque son rôle est celui d’un exilé qui voit se refermer sur lui le piège de la précarité sans espoir de solution. Plutôt que de céder au misérabilisme, Kaurismaki joue du plan fixe comme personne pour créer un comique proche de celui du muet : les tentatives de suicide qui ne donnent rien, les loubards qui conseillent à Henri d’apprécier la vie parce qu’il y a " les feuilles et les oiseaux " ( sic ! ), Henri qui laisse des messages au tueur pour qu’il soit sur que celui-ci ne le cherche pas trop loin… Ce n’est évidemment pas un rire tonitruant qui nous prend mais un rire de fraternité, de compassion pour cette figure étrange dans sa passivité et sa résignation. Ce que j’adore chez Kaurismaki, c’est que dans un ancrage social extrêmement réaliste il fait se mouvoir des personnages aux réactions absolument anti-naturelles : le couple amoureux qui s’achète des fleurs alors que le tueur à gages est à leurs trousses, le cambriolage de la bijouterie qui tourne n’importe comment ou encore la confrontation avec le tueur ou Henri est totalement statique montrent bien la poésie étrange du réalisateur, qui comme un Chaplin préfère extraire ses personnages de la misère par le rêve et l’imagination, ce que je trouve INFINIMENT préférable à tous les messages sociaux du monde. Vous l’avez compris, j’ai adoré J’ai engagé un tueur ; qui plus est j’ai arbitrairement décidé que tout film ou Joe Strummer jouait de la guitare était forcément un très bon film. Je continuerai avec grand plaisir à me plonger dans la filmographie du cinéaste finlandais. Le train sifflera trois fois ( Fred Zinnemann, 1952 ) Le shérif Will Kane ( Gary Cooper ) épouse Amy ( Grace Kelly ). Immédiatement après, arrive une nouvelle : Frank Miller est sorti de la prison ou Kane l’avait fait croupir et arrive en ville avec trois hommes pour se venger. Kane cherche de l’aide, mais les citoyens lui tournent le dos les uns après les autres. Rien à faire, je n’aime pas du tout ce western. Je le considère même comme le western le plus surestimé de tous les temps, même si la critique française a souvent été beaucoup plus nuancée. Évidemment la parabole politique est évidente : Kane est victime du maccarthysme et se retrouve isolé parmi les siens, sans que quiconque n’accepter de lui porter secours. Sauf que les situations s’enchaînent avec une telle lourdeur démonstrative qu’on en vient à souhaiter avancer le film jusqu’à la confrontation finale vu qu’après dix minutes on a compris ce qui allait se passer durant toute l’heure suivante, et ce d’autant plus que le personnage du juge nous explique dès le début ( on ne sait jamais, y en a peut-être qui sont lents à la détente ) que Kane va se retrouver seul blabla blabla. L’armée de seconds rôles donne l’impression d’une succession de moments ou des acteurs fantomatiques viennent réciter un texte beaucoup trop littéraire sans motivation ; même Grace Kelly à l’air de ne pas jouer dans le bon film. Qui plus est le montage nous fait alterner pendant facilement TROIS QUARTS D’HEURE les scènes avec Gary Cooper avec celles des trois méchants qui attendent le train ( donc qui ne branlent rien, histoire de bien casser le rythme ), et avec des plans de pendule ; on doit bien se taper quinze plans de pendule en une heure vingt ! Certes, le film se la joue temps réel, mais qui dit temps réel ne dit pas intensité, c’est même ici le contraire puisque l’on attend midi dès que le film affiche onze heures. Notons également une musique de Tiomkin que j’aimais bien… la première des 14 fois ou l’entend ! Enfin, j’attendais le gunfight final, histoire que l’action puisse me réveiller… IL EST NUL ! IL EST NUL IL EST NUL ! Aucune gestion de l’espace, aucun souffle, c’est pourri. Sur un thème identique, Quatre étranges cavaliers d’Allan Dwan se révélait cent fois plus prenant. Le train sifflera trois fois est un exemple de film se prenant totalement au sérieux comme outil de propagande, même si la cause est ici louable, et qui oublie au passage de faire du bon cinéma. Il est la preuve que si les curés sucent des queues, les marxistes, eux, nous cassent les couilles. Death duel ( Chu Yuan, 1977 ) Yan le treizième ( Ling Yun ) se considère comme le plus puissant combattant martial. Après avoir éliminé ceux qui lui contestaient son titre, il part à la recherche de son rival le Troisième maître, mais tombe sur… son cercueil. Pendant ce temps, un vagabond solitaire ( Derek Yee ) semble intéresser beaucoup de tueurs aux motivations diverses. Ce Chu Yuan a quelque chose d’un peu différent de ses productions de l’époque. D’abord, le héros n’est pas Ti Lung mais Derek Yee qui joue plutôt les seconds rôles habituellement ; de plus, il ne cherche pas à péter la gueule à qui que ce soit mais au contraire veut se ranger, situation qui ressemble plus à celles que l'on rencontre chez l’autre grand cinéaste du Wu Xia Pian, Chang Cheh. Enfin, le casting est peut-être le plus dingue de tous les Shaw Brothers, puisque toutes les stars du genre passent en coup de vent dire bonjour : Ti Lung et Lo Lieh en chevaliers à la retraite, Yuen Hua en empoisonneur et surtout David Chiang en type fou à lier dont on ne sait pas trop qui il veut tuer. C’est un peu le Le jour le plus long du film de sabre chinois avec ce que ça a de sympathique ( gros budgets, décors faramineux comme souvent, grands acteurs ) et de regrettable ( un scénario pas très bien construit, des stars qui jouent une minute vingt, un rythme en dents de scie ). Au moins, Chu Yuan a la pêche et délivre des combats réussis, des retournements de situation qui font leur effet à défaut d’être fins ( " on t’a empoisonné, on t’emmène chez le guérisseur qui en profite pour… t’empoisonner pour de vrai car c’était une ruse ! " ). Même si je préfère Ti Lung, Derek Yee est tout à fait convainquant en héros malgré lui et plusieurs scènes se révèlent plutôt percutantes : Derek Yee qui tend ses bras pour protéger sa future femme, la méchante nymphomane qui se bat nue ou encore le sacrifice inutile du muet. Et la mise en scène de Chu Yuan est impeccable avec sa capacité à toujours laisser penser que les personnages sont les jouets de forces trop imposantes pour eux, à l’image de la volonté contrariée de Derek Yee de vivre une vie paisible au loin des arts martiaux. Pas mon Chu Yuan préféré ( La guerre des clans, le sabre infernal ou l’atypique Confessions intimes d’une courtisane chinoise sont plus rigoureux et plus émouvants ) mais un très bon film de sabre chinois exactement comme je les aime. Frantic ( Roman Polanski, 1988 ) Le docteur américain Richard Walker ( Harrison Ford ) se rend à Paris avec sa femme afin d’assister à un colloque. La femme de Walker disparaît subitement après que celui-ci se soit rendu compte que la valise qu’elle avait embarqué à l’aéroport n’était pas la sienne. Déception que ce Polanski, qui pourtant contient de nombreux éléments intéressants mais me semble peiner à les transcender. Le thème du complot, au cœur de plusieurs des meilleurs films du cinéaste ( Répulsion, Rosemary’s baby, Le Locataire ) donne ici lieu à une résolution franchement nulle dont seule la toute fin relève le niveau, en plus de renvoyer douloureusement au passé de Polanski - je n’en dis pas plus -. Il est d’ailleurs manifeste que le cinéaste a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Ford, qui ne parle pas un mot de français et qui enquête avec beaucoup de pénibilité sur une disparition n’intéressant personne. Mais voilà cette - intéressante - thématique de la barrière de la langue empêche Frantic d’être réellement efficace en temps que thriller, les facilités narratives s’accumulant au fur et à mesure du récit et la mise en scène étant loin d’être du niveau de celle de ses réussites ; on a parfois l’impression de voir un téléfilm un peu cheap ( le Paris tout grisâtre et la présence de seconds rôle comme Gérard Klein ou Yves Rénier n’aide pas ) mis en scène par un cinéaste juste un peu plus doué que la moyenne, le comble pour un Polanski. Ceci dit, Polanski a au moins le mérite de montrer un Paris éloigné des clichés de cartes postales : glauque, froid et gris, il se rapproche plus de notre capitale que la plupart des représentations américaines. Il y a aussi une discrète satire de notre lourdeur administrative plutôt bien vue. De là à se taper une BO à l’accordéon et cette fin que je trouve absolument téléphonée… Ford est excellent en héros polanskien, donc dépassé par les évènements. Sa " complice " Emmanuelle Seigner m’a moins convaincu, alternant l’excellent et le passable dans son jeu. C’est vraiment la combinaison fatale mise en scène correcte sans plus/scénario qui vire au grand-guignol qui empêche Frantic de figurer parmi les très bons Polanski. Cela dit, il demeure tout à fait regardable, juste en deçà du talent de son réalisateur. Nightfall ( Jacques Tourneur, 1957 ) Un homme ( Aldo Ray ) et une femme ( Anne Bancroft ) dînent ensemble et donnent l’impression de se plaire. Peu après, deux types patibulaires font irruption et enlèvent l’homme qu’ils accusent d’avoir volé leur argent. Alors qu’ils s’apprêtent à le torturer, il parvient à s’enfuir et décide de se rendre chez la femme. Quand on a réalisé un chef d’œuvre du film noir comme La griffe du passé, on peut dormir tranquille. Pourtant Jacques Tourneur a récidivé quelques années plus tard avec ce Nightfall qui sans être aussi parfait que son prédécesseur demeure un joyau du film noir. Ça calme. On retrouve une construction en flashbacks, un chouia moins maîtrisée ici, visant à entretenir le suspens : pourquoi les deux tueurs en veulent à Aldo Ray ? Qui possède l’argent ? D’où vient-il ? Le sympathique mais nonchalant personnage joué par Ray n’a rien d’un frimeur à la Bogart, c’est un malchanceux témoin qui s’est retrouvé embarqué dans une sale histoire sans avoir fait quoi que ce soit pour le mériter. Il en ressort une sorte de résignation fataliste ( sa satisfaction de se faire arrêter, son évidente fatigue ) que seul le très beau personnage d’Anne Bancroft parvient à transformer en volonté de se battre. Il faut vraiment dire quelque chose sur le duo de tueurs, John et Red, l’un des meilleurs du film noir : John est le chef, le cerveau, tandis que Red est un psychopathe sanguinaire qui contient péniblement sa frénésie meurtrière. Rudy Bond est impeccable et ses scènes face à Aldo Ray sont d’une tension palpable tant chacun semble vouloir défoncer la gueule de l’autre. Après un début qui anticipe de peu La mort aux trousses d’Hitchcock, la fin dans la neige vient elle plutôt rappeler, avec beaucoup plus d’avance cette fois, des polars contemporains comme Fargo ou Un plan simple. Le génie de Tourneur pour filmer des confrontations violentes ( celles de Nightfall et de La griffe du passé font partie des meilleures bagarres du film noir ) est bien là et le montage des scènes d’action est exemplaire. Et la photo, plus naturaliste que d’habitude, illustre bien l’évolution du cinéaste vers une forme plus épurée du film noir, plus dégagée de l’influence expressionniste. Mise en scène exceptionnelle + excellents comédiens + bonne histoire = très grand film, forcément. Boris, normalement le problème de caps est réglé.
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/08/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 23/04/2004 | Envoyé par Borislehachoir le Lundi 02 Juillet 2012 à 02:21 Bon, ça n'a pas grand intérêt mais je voulais tenter une expérience.
Début juillet 2012, je note mes, disons, 30 films que j'ai le plus envie de découvrir. Certains sont rares, d'autres moins, dans l'ensemble il s'agit de film surtout prisés des cinéphiles et peu connus du grand public. Mon but est de voir dans un an précisément ( enfin, disons le 1 juillet 2013 ) si j'ai pu avancer dans ma quête, et si oui de combien. Un nombre entre 5 et 10 me semblerait un bon résultat. 1 ) La Roue ( Abel Gance, FRA, 1923 ) 2 ) La Légende de Gosta Berling ( Mauritz Stiller, SUE, 1924 ) 3 ) La Foule ( King Vidor, USA, 1928 ) 4 ) Solitude ( Pál Fejös, USA, 1928 ) 5 ) Je suis un fugitif ( Alberto Cavalcanti, GB, 1947 ) 6 ) L'Araignée et la mouche ( Robert Hamer, GB, 1949 ) 7 ) La vérité sur Bébé Donge ( Henri Decoin, FRA, 1952 ) 8 ) The Lineup ( Don Siegel, USA, 1958 ) 9 ) La Ballade du soldat ( Grigori Tchoukhraï, URSS, 1959 ) 10 ) Mafioso ( Alberto Lattuada, ITA, 1962 ) 11 ) Les Chevaux de feu ( Sergei Parajanov, URSS, 1965 ) 12 ) Trains étroitement surveillés ( Jiri Menzel, TCH, 1966 ) 13 ) Marketa Lazarova ( Frantisek Vlácil, TCH, 1967 ) 14 ) Le Révélateur ( Philippe Garrel, FRA, 1968 ) 15 ) Le plan déchiqueté ( Hiroshi Teshigahara, JAP, 1968 ) 16 ) Enfants de salauds ( André de Toth, GB, 1969 ) 17 ) L'incinérateur de cadavres ( Juraj Herz, TCH, 1969 ) 18 ) Confessions d'un commissaire de police au procureur ( Damiano Damiani, ITA, 1971 ) 19 ) La Randonnée ( Nicolas Roeg, GB, 1971 ) 20 ) Milan calibre 9 ( Fernando Di Leo, ITA, 1972 ) 21 ) Quartier violent ( Hideo Gosha, JAP, 1974 ) 22 ) Nickel Ride ( Robert Mulligan, USA, 1974 ) 23 ) Vingt jours sans guerre ( Alexei Guerman, RUS, 1976 ) 24 ) The Club ( Kirk Wong, HK, 1981 ) 25 ) El Sur ( Victor Erice, ESP, 1983 ) 26 ) Mirage ( Tsui Siu-Ming, HK, 1987 ) 27 ) School on fire ( Ringo Lam, HK, 1988 ) 28 ) Le Sang ( Pedro Costa, POR, 1989 ) 29 ) Rock n' Roll Cop ( Kirk Wong, HK, 1994 ) 30 ) Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures ( Claude Lanzmann, FRA, 2001 ) Voilà, il y a du documentaire et du polar, de la satire et du film de guerre, de la comédie et du muet. Et je regrette déjà de ne pas y avoir rajouté plein d'autres choses qui m'intéressent. Sur ce, on verra le chemin accompli dans un an. Boris.
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/08/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 23/04/2004 | Envoyé par Borislehachoir le Vendredi 06 Juillet 2012 à 23:27 JE POSTE TROIS FOIS DE SUITE ET JE M'EN TAPE.
John Carter ( Andrew Stanton, 2012 ) Durant la guerre de Sécession, John Carter ( Taylor Kirsch ) est enrôlé de force pour lutter contre les indiens. Pendant une fusillade, il découvre une grotte dans laquelle un médaillon le téléporte sur Mars, ou la faiblesse de la gravité lui permet de réaliser d’incroyables sauts. Il rencontre des extraterrestres, les Tharks, qui placent Carter sous la protection de leur roi, Tarj Tarkas. Tout ce qu’on a retenu de John Carter en France, c’est qu’il avait fait un flop monumental et provoqué une vague de démissions chez Disney ; derrière la satisfaction imbécile qu’a procuré chez certains l’échec du projet, une contradiction étrange : Andrew Stanton, venéré par tous les cinéphiles de France et de Navarre pour son travail chez Pixar ( Wall-E, Le monde de Némo ) serait-il devenu un tacheron une fois passé chez l’affreux ogre Disney ? Évidemment non et John Carter est une réussite déprimante, car vraisemblablement sans postérité. John Carter a le tort de passer après Star Wars et après Avatar, films dont l’imaginaire s’inspire grandement des romans d’Edgar Rice Burroughs transposés ici. A ce propos, la structure narrative est extrêmement audacieuse puisqu’elle fait intervenir Burroughs lui-même, qui débute le film en lisant le testament de Carter avant qu’on ne comprenne plus tard le pourquoi de cette structure assez inhabituelle. Visuellement, c’est splendide, et en plus c’est bien filmé. Peu d’action dans l’ensemble, certes, mais un combat contre les Warhoons épique et une lutte dans l’arène qui met la misère au passage correspondant de Star Wars : l’Attaque des clones, c’est déjà beaucoup. Dommage que les remontages finaux aient rendu le rythme plus chaotique, la bataille finale semblant un peu rapidement expédiée. Il manque à John Carter quelque chose qui aurait pu conquérir le public ; le méchant, Sab Than, fait vraiment pitié comparé à un Dark Vador, et la princesse Dejah Toris est malheureusement incarnée par une actrice à côté de ses pompes, là ou par contre le décrié Taylor Kirsch s’en sort remarquablement bien dans son rôle de héros mutique. Les Tharks sont exactement comme George Lucas aurait du traiter les Gungans ( c’est-à-dire des aliens intelligents ), et mention spéciale à mon personnage préféré : Woola le chien-alien, inoubliable. Dernière chose que j’ai apprécié : la manière dont Stanton a contourné la censure de Disney. Forcément limité question représentation de la violence, le réalisateur pond des déluges de sang… bleu, montre une Thark se faire déchiqueter en ombre chinoise ou des bébés Tharks être exécutés hors champ. Cette manière de finement jouer avec son cahier des charges m’a rappelé que j’ai toujours préféré les faux exécutants aux cinéastes se la jouant rebelle. John Carter est un très bon film, et son flop en salles est à la fois la pire nouvelle de l’année et une inquiétante preuve de la moutonnerie du public. The Murderer ( Na Hong-Jin, 2010 ) Gu-Nam ( Ha Jung-Woo ) est un Joseon-Jok, c’est-à-dire un coréen du nord émigré à la frontière chinoise. Depuis que sa femme est partie vivre en Corée du sud, il croule sous les dettes. Pour les rembourser et dans l’espoir de la revoir, il accepte l’offre du parrain de la mafia Myun ( Kim Yun-Seok ), qui lui propose d’effacer l’ardoise en l’échange du meurtre d’un sud-coréen. Je suis très emmerdé pour parler de ce film ; deuxième œuvre d’un cinéaste coréen qui commence à se faire un nom, The Murderer est une sorte de The Chaser ( le premier Na Hong-Jin ) au carré : toutes les qualités comme les défauts y sont décuplés. C’est donc plus noir, plus violent, plus dégueulasse et surtout encore plus mal écrit. Car le scénario de The Murderer est l’un des plus cons que j’ai vu dans le cinéma contemporain en dehors de la saga Saw : les retournements de situation grotesques s’y multiplient ( le dernier, il est difficile de ne pas rire ), tout le monde semble faire n’importe quoi et au bout d’une heure et demie on ne sait plus qui veut buter qui, pourquoi, comment ; d’ailleurs on s’en fout, il suffit de comprendre que Gu-nam d’un côté et Myun du sien ont plein de monde au cul. C’est extrêmement mal raconté. Le duo d’acteurs est prodigieux ; Kim Yun-Seok, héros plutôt sympathique dans The Chaser, incarne ici l’un des meilleurs bad guys de tout le polar contemporain, combattant à coups de machette contre des armées de sbires et visiblement jamais fatigué : le passage de la course-poursuite à pied puis en camion puis en voiture est incroyable. Ha Jung-Woo n’a d’ailleurs rien à lui envier et apporte un peu d’humanité même si le traitement de son personnage est un peu limite ( les rêves de cul franchement… ). Ce duo est à la hauteur des immenses acteurs que sont Choi Min-Sik ou Song Kang-Ho par exemple. The Murderer parvient à lier plutôt efficacement deux parties distinctes : la première, plus sociale, voit Gu-Nam déambuler jusqu’au meurtre, et la seconde fait dans l’action non-stop. Si la transition se fait bien, on regrette toutefois un découpage excessif des scènes d’action et une caméra qui a tendance à trembler pour rien ; l’ensemble reste d’une belle énergie et d’une violence bien crade : Old Boy, à côté, c’est du Eric Rohmer. Parmi ce que j’ai également aimé, un certain humour ( très ) noir ainsi que la présence d’ellipses à la Kitano dans la fin du film. Sinon, c’est trop long, très complaisant dans la violence, l’histoire s’enlise dans le n’importe quoi, mais voilà, deux acteurs en état de grâce et des scènes d’action aussi énergiques, je ne vois pas ça tous les jours non plus. Un film qui alterne le meilleur et le pire donc, mais qui m’a plus marqué que The Chaser. Cinéaste inégal mais à suivre. Le géant de fer ( Brad Bird, 1999) Dans les années 50, le jeune Hogarth Hughes vit avec sa mère aimante. Dans la forêt voisine, il découvre un étrange robot de trente mètres de haut qui se nourrit de métal. Hogarth tente de le dissimuler du FBI, dont un agent enquête dans le voisinage. Premier film d’un réalisateur qui a depuis confirmé son génie chez Pixar ( Les Indestructibles, Ratatouille ), le Géant de fer est déjà une merveille absolue dont le pouvoir enchanteur est digne de celui des premiers Disney. Au-delà de l’histoire d’amitié entre un enfant solitaire et un robot géant, on y trouve un discours sur la paranoïa de l’époque et sur la crainte de l’URSS ; d’ailleurs, j’aimerais que ceux qui ont vu le film m’éclairent : est-ce que je déconne ou est-ce que le personnage du sculpteur est un communiste ? Cette tendresse pour les personnes sympathiquement marginales qui caractérise Brad Bird donne beaucoup de chair à son histoire ; l’humour y fonctionne toujours et le rythme y est impeccable, alors qu’il est souvent complexe de conjuguer récit intimiste et action. L’animation est remarquable, déjà parce qu’humaniser un tas de ferraille géant était assez complexe sur le papier et que très rapidement, on s’attache au robot et on tremble pour lui ; son côté parfois imprévisible peut rappeler par exemple Edward aux mains d’argent ( le robot manque désintégrer Hogarth quand il le voit utiliser une arme en plastique ) et le passage ou il croit qu’Hogarth est mort est d’une rare puissance émotionnelle. La fin conjugue intelligence de récit, contexte politique et tristesse avec une incroyable fluidité. Évidemment il faut accepter le postulat de départ, celui d’une fable humaniste qui conduira peut-être certains à juger la morale facile ou le récit sentimentaliste. En bon fan de mélodrame que je suis, je les emmerde et je m’insurge contre la dictature de l’anime japonais alors que ce Géant de Fer vaut tout largement les trois quarts des Miyazaki. Aucune distance, aucun cynisme, aucun second degré. Une merveille du cinéma d’animation et du cinéma tout court, merci Brad Bird. Chantage ( Alfred Hitchcock, 1929) Frank Weber ( John Longden ), détective Scotland Yard, s’engueule avec sa fiancée Alice ( Anny Ondra ) qui passe la soirée chez Crewe, un artiste. Il tente d’abuser d’Alice qui le tue en se débattant. Malheureusement pour elle, un témoin l’a vue poignarder Crewe et lui fait du chantage. Film à la fois muet et parlant puisque Hitchcock l’a sorti muet et sonorisé dès qu’il a pu, Chantage est aussi l’un des premiers films du maître anglais ou apparaissent autant de ses thèmes de prédilection : la culpabilité, le meurtre, les effets de suspens ou encore l’inversion des rôles. Vu la fin, Chantage est même plus subversif et plus ironique que la plupart de ses œuvres postérieures, et quelques moments ( l’arrivée de la police, le plan sur le bras d’Alice cherchant un objet ) sont dignes de ce qu’Hitchcock fera de mieux par la suite. Problème : c’est encore extrêmement brouillon sur la longueur. Les acteurs sont calamiteux, seuls quelques seconds rôles ( comme le maître chanteur ) surnagent dans un ensemble de prestations totalement datées qui, comme beaucoup de films du début du parlant, ont très mal passé l’épreuve du temps. Les tentatives d’Hitchcock de jouer avec ce gadget nouveau qu’était le son y apparaissent artificielles, voir pénibles. Enfin le dosage de suspens est loin d’être toujours optimal : la visite d’Alice chez Crewe dure environ dix minutes et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on attend avec impatience qu’il se passe quelque chose de plus intéressant qu’un type qui joue du piano. De façon similaire la confrontation avec le maître chanteur traîne en longueur, et surtout sa résolution est un peu grotesque. Globalement, acteurs n’aidant pas, on en vient à se foutre un peu de l’histoire pour admirer la technique, soit l’antithèse de ce que Hitchcock disait vouloir. Dommage parce que les obsession hitchcockiennes sont déjà là et que sur plusieurs aspects, Chantage est un brouillon de La Mort aux trousses, mais en mille fois moins bon. Un maillon important dans le cheminement artistique du cinéaste, regardable mais limité et qui demeure plus faible que ses films parlants, même ceux de la période anglaise. Divorce à l’italienne ( Pietro Germi, 1961 ) L’aristocrate Ferdinando Cefalù ( Marcello Mastroianni ) est tombé amoureux de sa cousine Angela ( Stefania Sandrelli ). Le code pénal italien interdisant le divorce, Ferdinando pousse sa femme à le tromper, afin de pouvoir l’assassiner et d’écoper d’une peine moins sévère en raison d'un " crime d'honneur ". Le sujet était excellent et le film ne l’est pas moins. Dégueulasse et amoral, il est surtout prodigieusement drôle, à l’image du jeu faussement ampoulé de Mastroianni qui se délecte à incarner un sale type cynique dont les efforts désespérés pour créer une idylle entre sa femme et son ancien amant sont franchement irrésistibles. Germi renvoie à dos la religion ( magnifique séquence ou les curés expliquent que tout ça, c’est la faute de la sortie de la Dolce Vita ) et les politiques ( le marxiste qui tente de défendre l’épouse infidèle face aux huées de la foule ) dans un remarquable constat sur le retard judiciaire de l’Italie de l’époque. C’est vraiment le génial Mastroianni qui porte le film ; toutes les séquences de fausse dépression post-départ de sa femme, ou il en fait des caisses pour justifier son futur crime, sont prodigieuses. Les personnages secondaires sont truculents : la sœur de Mastroianni qu’on retrouve systématiquement à embrasser son fiancé, le couple prenant des plombes à justifier qu’il ne se passe absolument rien ; le vieux con de père d’Angela qui suspecte un amant et surtout la prodigieusement agaçante femme de Mastroianni sont tous impeccables. Il faut voir le malheureux mari écouter sa femme et l'amour de jeunesse de celle-ci minauder l’un autour de l’autre pendant des heures sans jamais passer à l’action ! Un des running-gags les plus drôles : planifiant son crime, le héros imagine en voix-off la future plaidoirie de son avocat qui en rajoute évidemment des tonnes ; souvent, il se rend compte de l’absurdité de ce qu’il raconte et tente d’élaborer une version qui tienne un peu mieux la route. Petit bémol toutefois pour la toute fin ; évidemment on se doute qu’une comédie italienne ne peut que se terminer de manière ironique, mais ici la fin me semble tomber comme un cheveu sur la soupe, au détriment de la cohérence globale. Quitte à finir de cette manière, je pense qu’il aurait fallut l’amener plus finement. Une excellente comédie, drôle et acerbe. Boris, on va voir si ça fonctionne...
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 21/08/2015 Grade : [Nomade] Inscrit le 09/02/2006 | Envoyé par Skarr le Samedi 07 Juillet 2012 à 11:14 Complétement d'accord avec toi sur The Murderer, très content d'avoir la confirmation que Le géant de fer est un grand film d'animation (il m'avait fait une grande impression il y a quelques années, j'ai toujours voulu le revoir et je le conseillais depuis à tout le monde, un peu à l'aveugle), et je vais chercher à me procurer John Carter et surtout Shotgun Stories.
Skarr, qui commence à penser que Boris use du retard de la critique de Phantom of the Paradise comme une carotte, pour s'assurer au moins un lecteur...
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/08/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 23/04/2004 | Envoyé par Borislehachoir le Samedi 07 Juillet 2012 à 11:41 Allez, je fais un pacte avec toi : je regarde Phantom of the Paradise avant la fin du mois. Cela fait trop longtemps que je l'ai en plan. C'est con quand même pour The Murderer parce qu'il y a des moments ou je me disais " waow, le mec est vraiment bon ". Quand Gu-nam s'échappe du piège des deux gars qui veulent l'enfermer et se retrouver nez à nez avec les 40 hommes de Myun j'étais " ". Et la baston à la machette derrière ! Quand j'y repense c'est bourré de facilités ( ils piquent des bagnoles en cinq secondes, genre tout le monde laisse les clés dessus en Corée ! Puis avec ce que les deux ramassent dans la gueule durant cette scène y a de quoi être cinq fois dans le coma ) mais c'est tellement dense, rythmé et prenant qu'on s'en fout sur le coup. Boris.
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/01/2018 Grade : [Nomade] Inscrit le 24/10/2005 | Envoyé par Kakita_Kirby le Samedi 07 Juillet 2012 à 11:42
Il ne ferait jamais ça. Encore moins avec des films comme Morsay.
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 03/12/2019 Grade : [Nomade] Inscrit le 28/06/2004 | Envoyé par corum le Samedi 07 Juillet 2012 à 12:42 Je sais pas trop à quoi ça sert ceci dit.
Perso je lis tout ce qu'écrit Boris, même quand il parle de ses films de baston orientaux, alors que perso, le montage des scènes de baston... Sinon je pourrais écrire quelque chose vu que j'ai accumulé quelques films de puis la dernière fois, mais je suis très flemmard.
___________________ "car le style pour l'écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique mais de vision" Marcel Proust
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 21/08/2015 Grade : [Nomade] Inscrit le 09/02/2006 | Envoyé par Skarr le Samedi 07 Juillet 2012 à 15:09
@Kakita : Le film de Morsay est sorti il y a quelques mois (et Boris l'a chroniqué), Phantom date de 1974 et ça fait deux ans qu'il l'a acheté et que je le tanne avec.
@Corum : À quoi sert quoi ?
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 29/03/2023 Grade : [Nomade] Inscrit le 10/12/2005 | Envoyé par gedat le Samedi 07 Juillet 2012 à 16:40 Est-ce que tu penses que le robot du Géant de Fer est inspiré par celui du Roi et l'Oiseau? J'y ai tout de suite pensé quand j'ai vu tes screens.
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 21/08/2015 Grade : [Nomade] Inscrit le 09/02/2006 | Envoyé par Skarr le Samedi 07 Juillet 2012 à 17:46
Oui, il l'est. Tout comme celui du Château dans le ciel de Miyazaki.
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/08/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 23/04/2004 | Envoyé par Borislehachoir le Samedi 07 Juillet 2012 à 17:50 Je n'ai pas vu le Roi de l'Oiseau ; si Skarr pense que oui c'est certainement le cas. Boris, par contre j'ai vu une influence qui me semble évidente : E.T., et globalement tous les films à base d'amitié entre un enfant et une quelconque créature.
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Hors Ligne Membre Inactif depuis le 29/03/2023 Grade : [Nomade] Inscrit le 10/12/2005 | Envoyé par gedat le Dimanche 08 Juillet 2012 à 12:43
Chez Miyazaki l'influence de ce film est assez incroyable d'ailleurs, le château de Cagliostro dans son premier film est un copier-coller de celui du film de Prévert.
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