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black-monday

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Envoyé par black-monday le Mercredi 09 Février 2011 à 17:49


Je suis motivé pour parler d'un écrivain certes connu, mais souvent mal connu, réfèrence souvent citée par des branleurs qui ne l'ont jamais lu, car pour briller, c'est toujours de bon ton de citer Julien Gracq. Je vous épargne les regards incrédules des libraires quand un jeune homme demande du Gracq, l'air de dire, "ah tiens en voilà, un branleur qui veut briller en société, de toute façon, c'est pas une littérature de son niveau....il va se faire chier" Ouais je suis parano !
Julien gracq, pour qui les aime, c'est un peu la confidence que l'on se fait entre personnes qui l'apprécient. Y'a des trucs comme ça, en littérature, en musique, ou ailleurs, l'assurance de reconnaître chez celui ou celle qui aime également Julien Gracq que l'on appartient à la même race. Entre amoureux de Gracq, c'est ça, on est fait du même bois.

Un petit rappel de cet énorme Ecrivain :

Gracq est un pseudo, idée toujours salutaire pour un écrivain, libre d'être autrement lui même ailleurs, et  hygiène mentale nécessaire eu égard à cette, je cite Gracq, "profession délirante". L'écriture est une profession délirante (combien peut-il avoir raison) donc. Il faut avoir ça en tête quand on le lit, ne serait-ce que pour comprendre la sueur qu'il lui fallut pour trouver ce style si particulier que je pourrais qualifier de "dentelles". On sent quand on le lit à quel point, à la façon d'un Flaubert, et la comparaison n'est pas inopportune, que Gracq est un écrivain qui ne peut pas être pressé : il n'a pas les facilités connues d'un Théophile Gauthier, non, c'est un laborieux patient qui se laisse aller à l'écriture là ou elle doit le mener. Et parfois nulle part. Je me souviens d'un interview où à la question du comment il écrivait, Gracq, à sa façon, raconta qu'il se laisse porter par un fil invisible, comme si le roman se faisait au fur et à mesure, sans plan déterminé à l'avance, à la façon d'un géographe qui arpente et cartographie une terre inconnue mais présente. Parfois, ce fil se rompt car c'est sa finalité, et alors il abandonne, le livre en cours. Avec Gracq, c'est comme si le livre qu'il écrivait se servait de lui plutôt que sa réciproque. On peut imaginer à quel point cette méthode peut conduire à des impasses. Mais si impasse il y a, c'est la raison du livre.

Gracq était géographe dans la vie civile, enfin concrètement, il était professeur de géographie (et ce jusqu'à sa retraite), en Lycée. C'est un écrivain géographe dans son regard même. Pour lui, il n'y a que deux types d'écrivains : les myopes et les presbytes. Proust était myope, Chateaubriand ou Tolstoï, eux, étaient presbytes.
Difficile à dire si la vue de Gracq était ou l'une ou l'autre, ou parfaitement normale. C'est pas évident.
Pour ma part, je le rangerai du coté des "hallucinés", de celui de la recherche de la musique, de la musique avant toute chose, transformer un territoire mental en musique littéraire, du coté donc des poètes. Enfin la poésie comme moyen musicale et non finalité abstraite. L'écriture de gracq est à la fois très mentale (du fait même du medium utilisé, à savoir l'écriture) mais toujours sensorielle (d'ou le coté hallucinée du style). L'autre écrivain à qui il me fait penser, est Nerval, autre écrivain très sensoriel. Mais Gracq serait plus minéral que Nerval aqueux ; les deux partagent une même volonté de faire de la musique sans instrument.

Gracq est un écrivain reclus, peu d'interview, pas de télé il me semble, une vie médiatique réduite à son oeuvre. L'écrivain dans ce qu'il devrait toujours être.

Je n'ai lu pour le moment, que trois livres de Gracq. Et ce pour des raisons simples : Gracq a toujours refusé d'être publié en format poche (ça je trouve ça con, mais bon il avait une position extrême en tant qu'écrivain), et n'est publié que chez Corti et la Pleïade. Et c'est assez cher. Gracq a été un des très rares écrivains a voir été publié de son vivant chez la Pleïade (faut dire, pour la petite histoire, que le premier roman de Gracq avait refusé par Gallimard, éditeur par ailleurs de la bibliothèque de La Pleïade ; ces cons s'en sont toujours voulu ! et ils ont essayé par la suite de le débaucher de chez Corti, mais l'écrivain est resté fidèle ; je suppose que son entrée dans la Pleïade était une façon de s'amender). Dernière raison : il est difficile à trouver. Enfin il faut frapper à la bonne porte de LA librairie pour espérer l'y trouver. Et chez Corti, c'est assez cher.

Parlons des livres.

J'ai commencé par Le rivage des Syrtes. A l'époque j'étais en plein existentialisme, l'absurdité tout ça, j'avais fini de lire toute l'oeuvre de Kafka, j'avais encore faim, j'attaqua Le désert des tartares de Buzatti,  le dévorai, et j'avais toujours la dalle (à l'époque j'étais complètement boulémique de livres), je voulais encore et encore des histoires d'attente et d'absurde, et j'entendis parler du Rivage des Syrtes. Une aura planait sur Gracq, réputé difficile d'accès, style d'orfèvre, voire précieux disait les grincheux. Ce qui m'a convaincu, fut de savoir que pour ce livre, Gracq refusa (fait rarissime) le prix Goncourt qui lui fut discerné. Là, je me suis dis : ouais, c'est un pur, le gars, un incorruptible, il s'en branle des honneurs germanopratins ! C'est cool.
ATTENTION ! Je déconseille à tous ceux qui voudrait lire Gracq, de commencer par le Rivage des Syrtes. C'est hardore quand on a pas l'habitude. J'ai eu beaucoup de mal à le finir, complètement dérouté par un style d'une préciosité et d'une richesse dont on a pas souvent l'occasion de rencontrer.
L'histoire : c'est le désert des Tartares version hyper étirée, hyper fantomatique, hyper contemplatif. On suit Aldo, envoyé dans une forteresse située en bord de mer, pour surveiller l'attaque inéxorable (mais quand ?) que va lancer le pays voisin situé de l'autre coté de cette mer.
C'est un roman qui ne parle que de l'attente, de la solitude, et de l'ennui. Et c'est brillant, énorme, mais putain qu'est-ce que c'est dur à lire ! faut s'accrocher quand même.
Première expérience malheureuse donc. Avec le recul, je devrais le relire.


Il me faudra attendre plusieurs années pour m'acheter mon premier Gracq, en commencant par le point de départ de son oeuvre : Au château d'Argol
Et là grosse grosse claque.
L'histoire : Herminien va en Bretagne, invité par son meilleur ami Albert, propriétaire du Château d'Argol. Arrivé au château, Herminien erre seul ; son ami arrivera ensuite, accompagné par la belle Heide. La suite du roman évoque ensuite les différents liens qui unissent ces trois personnes dans la fleur de l'âge : l'amour, la Nature, la mort.

C'est un roman à l'atmosphère très très étrange : surréalisme narratif (récit ou les voix des personnages sont quasi entremêlées sans que l'on sache qui parle et quand) ? post-romantisme (scène de promenade dans une nature hallucinogène, hyper violence de certaines scènes qui glace d'effroi non seulement par la brutalité du fond mais là encore par le coté hallucinogène des "descriptions") ? post-gothisme (Wagner, la nature désolée et sauvage de la Bretagne de littoral, l'atmosphère ténébreuse du château, des personnages, et de la nature) ?

J'ai encore en moi des scènes du livres qui m'ont tout simplement soufflées : je pense à la scène du bain dans l'océan, où nos trois personnages nagent jusqu'à bout de souffle vers l'horizon. Scène d'une puissance d'évocation sidérante, où la mort est possible autant que se transforment sous nos yeux des corps qui se lavent de leurs enfances pour laisser éclater dans l'écume et les vagues, une sensualité dingue, une sexualité incontrôlable, à couper le souffle. Probablement la scène de baignade la plus puissante que j'ai jamais lu. Et dans quel style ! j'ai rarement été autant dedans : tout se mélange, les corps, l'angoisse, la jouissance, la houle, les peaux, le courant, la métaphysique. C'est dingo de puissance.

Un extrait du livre pour donner une idée du style de ce livre :

« Un énorme nuage naviguait alors avec lenteur au-dessus des espaces de la mer, comme le visiteur miséricordieux de ces plaines liquides ignorées des vaisseaux. Rien ne peut dépeindre la comblante et lente majesté avec laquelle s'effectuait cette navigation céleste. Il sembla s'avancer un moment vers le fond de la baie, puis, suivant une courbe solennelle, parut virer dans la direction de l'est, faisant alors admirer le contraste qui se déployait, comme sur une voilure aérienne, entre son ventre bombé, d'un blanc pur et éblouissant, et les profonds golfes d'ombre qui paraissaient s'ouvrir dans son sein. Un instant il oscilla de toute sa masse, illuminant ce paysage de mort de son orageuse et candide royauté, puis s'éloigna, et quelques instants après, le sifflement incessant du vent dans les herbes sèches, et les pas monotones et étouffés d'un cheval dans le sable parurent le seul signe de vie qui animât encore les grèves désertes. »

Franchement c'est pas sublime ça ?  Un conseil, lisez à haute voix, c'est de la musique !

Bon pour l'instant je m'arrête, car le troisème Gracq que j'ai lu, est de mon point de vue, plus immense encore. Et là cela fait des heures que j'écris.

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"Ouais même que Valérie Damidot est tellement grasse que si elle se trempe un pinceau dans le fion, elle réinvente la peinture à l'huile."


BorisPreban

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Envoyé par BorisPreban le Mercredi 09 Février 2011 à 20:38


J'ai lu ce texte comme le béotien se désaltérant à l'oasis du savoir.

Boris, sinon nos proximités littéraires sont assez halucinantes, je suis moi-même en pleine intégrale Kafka ( commencé il y a quelques jours avec Conversations avec l'homme en prière et Conversations avec l'homme ivre ).

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Je sais pas toi mais moi j'me fends la gueule.


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Envoyé par kakkhara le Mercredi 09 Février 2011 à 21:09


Alors : je vais rebondir un peu là-dessus, vu que, de ce que j'en ai lu, j'ai trouvé ça fabuleux (et j'ai commencé par le rivage des syrtes, que j'ai trouvé absolument fabuleux, je précise d'ailleurs que j'ai lu le rivage des syrtes avant le désert des tartares de buzzati.

Effectivement au chateau d'Argol est un pur chef d'oeuvre, les derniers passages du livre sont un miracle d'écritude, mais évidemment je ne puis les citer ici.

De ce que j'en ai lu, le style de Gracq peut se définir par l'attente. On a une situation initiale, figée. Mais sous cet immobilisme apparent couvent les tensions qui montent au fur et à mesure que le récit se développe. Donc la tension monte, sans qu'on sache parfois pourquoi, puisqu'on ne sait pas ce qu'il se passe. On ne sait d'ailleurs pas s'il se passe quelque chose. Gracq semble nous laisser avec notre imagination.
Ensuite on a le finale, un paroxysme de tension qui amène à un changement de la situation initiale, et donc à une chute. A un évènement. Toute cette attente s'exacerbant en un paroxysme lyrique, c'est quand même quelque chose de merveilleux.


Et si vous aimez la mythologie vous avez "Le roi pêcheur", de Julien Gracq, monté comme une pièce de théâtre autour de la quête du Graal, soit l'arrivée de Perceval chez le roi pêcheur.
==>Si vous connaissez Perceval ou la quête du Graal, de Chrétien de Troyes, vous ne reconnaitrez pas grand chose. La version de Gracq doit plus à toute une tradition de mysticisme germain qui trouve son origine dans le Parzifal (dont celui de Wagner est une autre reprise), de Wolfram Von Eschenbach, soit une version plus tardive, mais moins altérée par rapport à celle de Chrétien de Troyes, qu'ont pu l'être la version cistercienne du mythe et les reprises de Robert de Boron, pour le compte de la foi chrétenne.
==>Bref, ce "roi pêcheur" vient en droite ligne d'une tradition différente de la tradition française, et pour cela on y voit énormément d'originalité par rapport aux versions qu'on a l'habitude d'entendre, avec en prime un aspect humaniste comme dans les reprises mythologiques de Giono et d'Anouilh, mais plus mystique (tradition germaine oblige), et sans le parti pris d'actualiser à outrance le mythe.

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Envoyé par black-monday le Mercredi 09 Février 2011 à 21:45


Le 09/02/2011 à 20:38, BorisPreban avait écrit ...

J'ai lu ce texte comme le béotien se désaltérant à l'oasis du savoir.

Boris, sinon nos proximités littéraires sont assez halucinantes, je suis moi-même en pleine intégrale Kafka ( commencé il y a quelques jours avec Conversations avec l'homme en prière et Conversations avec l'homme ivre ).


Merci du compliment.

Surtout qu'avec le recul je me dis, que je n'ai pas assez parlé de la forme au niveau du style présent dans Le chateau d'Argol. André Breton avait décrêté que ce roman avait été le premier vrai roman surréaliste. Je ne suis vraiment pas d'accord. Gracq est plus proche d'un Poe qu'il adorait, qu'un adepte du cadavre exquis. Mais sans le coté Fantastique. Gracq est plus décloisonnant. La narration nage toujours entre deux eaux, rêve ? réalité ? fantasme ? On s'en branle ! cela n'a de cohérence qu'en tant écriture, le style est la condition même de ce qui est raconté.

Il y a une scène très violente dans le livre que je ne dirais pas, je ne veux pas spoiler, mais la première fois, je n'ai pas compris. Littérallement, je ne comprenais pas ce que je lisais, ou plutôt je comprenais, mais je n'arrivais pas à me représenter de façon imagée clairement ce que je lisais ; Gracq n'est jamais cash, il suggère énormément par de l'hallucinatoire, donc c'est très compliqué de ramener ces évocations à leur réalité première. Et pour cette scène violente, je n'ai pas compris sur le coup, c'est en continuant plus loin, que j'ai commencé à douter ; je suis revenu au passage nébuleux, je l'ai lu et relu, et là, gros choc, j'ai vu enfin la scène dans sa crudité primitive. C'est comme si, et là j'admire Gracq, pour une scène descriptive particulièrement violente émotionnellement, il développait des trésors de circonvolutions stylistiques très symboliste, donc très poétique, pour suggérer au maximum ; puis une fois que la scène est passée, Gracq n'oublie pas l'horreur qu'il vient de cacher, et au cours des lignes suivantes, il allume sciemment des feux rouges l'air de dire 'hé lecteur, est-ce que tu as vraiment lu ce que tu as lu précédemment ? Tu ne vois donc pas ce qui se passe ? Attends je te donne quelques indices", et là toi, lecteur, tu te dis "putain qu'est-ce que, mais qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que j'ai raté ? Et là tu retourne au moment où dans le récit, il y a la scène primitive qui d'instinct, tu te dis "putain c'est là, j'ai pas fait gaffe, qu'est-ce qui 'ye cache ? Et comme par magie, par une sorte de rétropédalage, tu redécouvre la scène derrière le style : le choc parce que tu ne t'attendais pas du tout à une telle horreur. Tu comprends tout, et le style révèle enfin au sens propre ce qu'il décrit depuis le début, simplement, toi, en tant que lecteur tu ne regardais pas au bon endroit. Cela fait un peu l'effet d'une vision cauchemardesque qui succède à un vision idyllique, sauf que ce n'est pas ce que tu regarde qui se modifie, mais ton regard lui même qui  jusqu'alors refusait de voir la réalité de ce qui est raconté.
Y'a aussi un truc étrange, dans le livre, c'est la question de la temporalité. Le livre est très spatialisé (le coté géographe de Gracq sans doute), on sait toujours ou on se trouve, quand bien même le même espace se transforme au gré des lignes comme quelque chose de très mouvant. Mais par contre quand cela se passe t-il ? combien de temps dure ce qui est raconté ; on dirait que des choses dérisoires se dilatent, puis se compriment, puis s'immobilise, puis s'accélère, c'est super étrange.

Dernier truc étrange : régulièrement, ça et là, certains mots sont imprimés en italique. Pourquoi ? Mystère. J'ai lu dans un interview, que c'était une sorte de coquetterie destinée à attirer l'attention du lecteur. Pourquoi ? Mystère.

C'est globalement un roman assez glauque, mais t'as l'impression de lire un songe hyperbrumeux, et gracieux, la musique du style y contribuant beaucoup.

Le troisième roman que j'ai lu, Un balcon en forêt, est beaucoup moins exubérant qu'Argol, plus resserré, plus intîme et charnel, moins expérimental, plus classique, aurais-je envie de dire. Mais celui là c'est un classique instantané ;, les morceaux de bravoure narratifs sont légion.

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Envoyé par black-monday le Mercredi 09 Février 2011 à 22:01


Le 09/02/2011 à 21:09, kakkhara avait écrit ...

Alors : je vais rebondir un peu là-dessus, vu que, de ce que j'en ai lu, j'ai trouvé ça fabuleux (et j'ai commencé par le rivage des syrtes, que j'ai trouvé absolument fabuleux, je précise d'ailleurs que j'ai lu le rivage des syrtes avant le désert des tartares de buzzati.

Effectivement au chateau d'Argol est un pur chef d'oeuvre, les derniers passages du livre sont un miracle d'écritude, mais évidemment je ne puis les citer ici.

De ce que j'en ai lu, le style de Gracq peut se définir par l'attente. On a une situation initiale, figée. Mais sous cet immobilisme apparent couvent les tensions qui montent au fur et à mesure que le récit se développe. Donc la tension monte, sans qu'on sache parfois pourquoi, puisqu'on ne sait pas ce qu'il se passe. On ne sait d'ailleurs pas s'il se passe quelque chose. Gracq semble nous laisser avec notre imagination.
Ensuite on a le finale, un paroxysme de tension qui amène à un changement de la situation initiale, et donc à une chute. A un évènement. Toute cette attente s'exacerbant en un paroxysme lyrique, c'est quand même quelque chose de merveilleux.


Et si vous aimez la mythologie vous avez "Le roi pêcheur", de Julien Gracq, monté comme une pièce de théâtre autour de la quête du Graal, soit l'arrivée de Perceval chez le roi pêcheur.
==>Si vous connaissez Perceval ou la quête du Graal, de Chrétien de Troyes, vous ne reconnaitrez pas grand chose. La version de Gracq doit plus à toute une tradition de mysticisme germain qui trouve son origine dans le Parzifal (dont celui de Wagner est une autre reprise), de Wolfram Von Eschenbach, soit une version plus tardive, mais moins altérée par rapport à celle de Chrétien de Troyes, qu'ont pu l'être la version cistercienne du mythe et les reprises de Robert de Boron, pour le compte de la foi chrétenne.
==>Bref, ce "roi pêcheur" vient en droite ligne d'une tradition différente de la tradition française, et pour cela on y voit énormément d'originalité par rapport aux versions qu'on a l'habitude d'entendre, avec en prime un aspect humaniste comme dans les reprises mythologiques de Giono et d'Anouilh, mais plus mystique (tradition germaine oblige), et sans le parti pris d'actualiser à outrance le mythe.

Bon double post, mais c'est normal.

Je réagis sur ce que tu dis de la fin d'Argol. Oui, elle, est, énorme. je l'ai relus plusieurs fois tellement cela me sidérait dans l'exécution formelle. Là on sent le décollage final, la force du style, les images (j'ai encore en tête et quasi physiquement, la sensation glaçante de ce qui est dit à la fin).
Ah oui, et puis il faut dire, l'héroine, Heide, dans Argol, on sait presque rien d'elle physiquement, mais Gracq arrive a suggérer qu'elle est super bonne. Et  un écrivain capable d'évoquer ça chez le modeste lecteur que je suis, ben je dis : respect monsieur.

Au niveau de l'attente, oui tu as raison, et tu en parle bien mieux que moi : cette attente sous laquelle croît lentement et inéxorablement une tension qui va exploser et tout détruire. Dans Argol, c'est tout à fait ça, avec des pics de sensualité, oserais-je dire d'érotisme ?  tout est hyper suggéré, mais c'est hyper sensuel.

Le roi pêcheur, je n'ai pas lu, seulement feuilleté comme ça. Mais ça remonte, comme le rivage des Syrtes.

Bref Gracq, c'est la grande classe.




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Envoyé par black-monday le Vendredi 18 Février 2011 à 22:44


Triple post, mais je m'en branle.


Un balcon en forêt, donc. De Gracq, pour ceux qui n'auraient pas suivis.

C'est probablement, si j'osais un conseil pour les néophytes, le livre par lequel commencer l'oeuvre de Gracq. De mon point de vue, c'est facile à lire ; Gracq semble avoir atteint avec ce roman, un naturel stylistique qui ne souffre d'aucune hésitation, une amplitude sûre d'elle : le style EST. Ce livre me fait l'effet d'une une rivière : inexorable, évidente, sans intentions, pure.

Quelques précisions avant d'aborder cette immensité :

Quand on achète un Gracq édité chez Corti, il faut savoir, que chez Corti, les livres ne sont pas massicotés : les pages sont collées tantôt sur leur tranche, tantôt à leur sommet. C'est comme ça. C'est endémique.

C'est dès lors toujours un cérémonial délicat et quasi mystique : se munir d'un coupe-papier, ou d'une lame très aiguisée, et s'armer de patience ; avec précaution défaire les pages unes à unes, les libérer, avec l'assurance d'une coupe parfois approximative et toujours unique. Le cérémonial achevé, on incarne le libérateur d'un livre autrefois muselé, et maintenant sien pour toujours. C'est un sentiment très étrange. La sensation de faire vraiment sien le livre, d'imprimer dans cette découpe, un geste personnel d'une grande délicatesse, qui tranquillement, l'air de rien, vous dispose d'avance à chérir ce livre, désormais le vôtre, avant de s'y plonger. C'est charnel. On caresse les pages, leur tessiture cotonneuse, une typographie épaisse d'un gothique élimé ; on plonge le nez dedans, on respire, c'est doux et frais ; on croit être le premier à lire ces pages. On s'égare.


Un balcon en forêt :

Au temps de la « drôle de guerre », en 1939 ; le roman suit Grange, affecté à une Maison Forte (sorte de blockhaus déguisé en maison des bois), dans les Ardennes, en pleine forêt, située à proximité de Moriarmé, petit village paisible. Grange a peut-être envie que les allemands attaquent, mais encore faut-il que les teutons osent passer les Ardennes ! Et c’est impossible. C’est bien connu.
Grange n’a peut-être pas envie que les allemands attaquent. Qui sait ? Il y a Mona, petite fille floue qui le temps d’une promenade sous la pluie devient adolescente puis femme. Il faut aimer en attendant la guerre qui ne vient pas, pas jusqu’ici, pas maintenant, peut-être jamais. Grange attend. Puis l’attente n’est plus nécessaire. Il y a la Nature. Il y a Mona la sylphide. Les rondes qui deviennent des labyrinthes, puis des recours au silence, puis plus rien. Les contingences qui s’envolent, la nature persistante qui dissout l’être, la paix accrochée aux branches. La dissolution de soi dans l’indifférence moite de la forêt. La lente sublimation de l’existence au pas d’une promenade solitaire.
Et s’il était possible de trouver la paix dans l’attente ? Mais dans l’attente de quoi ? L’Histoire est encore ailleurs. Et elle n’oserait pas venir de la forêt.
Le renoncement de Grange, et la Nature qui finit par occuper son cœur ; l’indifférence qui triomphe de l’amour propre. Le silence terminal.

Ce livre est magnétique. Il reste longtemps en soi. Il hante pour peu de choses. Il dit la métaphysique du ruissellement de la pluie sur la nuque, dans une extase sensorielle. Voilà, c’est ça ; l’extase sensorielle des choses dérisoires élevées à la hauteur de notre perméabilité oubliée : un bruissement des feuilles est plus émouvant et terrible qu’une guerre et les états d’âmes d’un homme qui renonce à lui-même. Gracq raconte la lente autohypnose d’un homme qui peu à peu en lui-même, se remplace par une forêt, et le style de l’écrivain d’opérer sur le lecteur, l’envoutement inexorable de la caresse qui transcende le corps et l’esprit. Ne vous y trompez pas, dans ce livre, point de transcendance béate d’un homme dans la nature, pas de proto new age chez Gracq, mais le triomphe métaphysique du silence d’une forêt. De l’homme, au final, il ne reste qu’une créature hantée.

Ce livre a été un choc. Je m’en rends maintenant compte à l’écriture de ce pauvre texte. Je ne reconnais plus les forêts dans lesquels je me promène, leur familiarité s’est évaporée autant que mes capacités à les faire miennes. Il n’y a plus aucun romantisme. Où que l’on aille, on reflète d’instinct aux choses des repères sur lesquels s’appuyer pour être au monde, l’interpréter, et s’y orienter. L’illusion est grande, et le temps faisant, c’est la forêt elle-même qui finit par trouver des repères en moi, et la délicate conviction que j’existe aussi pour que la Nature s’y reflète elle-même.

Un extrait :

« Pour la première fois peut-être, se disait Grange, me voici mobilisé dans une armée rêveuse. Je rêve ici – nous rêvons tous – mais de quoi ? Tout, autour de lui, était trouble et vacillement, prise incertaine ; on eût dit que le monde tissé par les hommes se défaisait maille à maille : il ne restait qu’une attente pure, aveugle, où la nuit d’étoiles, les bois perdus, l’énorme vague nocturne qui se gonflait et montait derrière l’horizon vous dépouillaient brutalement, comme le déferlement des vagues derrière la dune donne soudain l’envie d’être nu. »

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Envoyé par kakkhara le Samedi 19 Février 2011 à 19:58


Quand on achète un Gracq édité chez Corti, il faut savoir, que chez Corti, les livres ne sont pas massicotés : les pages sont collées tantôt sur leur tranche, tantôt à leur sommet. C'est comme ça. C'est endémique.
Il me semble que Gracq n'est édité que chez Corti, en tout cas il avait un contrat d'exclusivité avec.

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Envoyé par black-monday le Samedi 19 Février 2011 à 20:36


Le 19/02/2011 à 19:58, kakkhara avait écrit ...

Il me semble que Gracq n'est édité que chez Corti, en tout cas il avait un contrat d'exclusivité avec.



Il est aussi chez la Pléiade. De son vivant il fut édité dans cette collection (chose rarissime).

En tout cas j'espère que je t'ai donné envie de lire Un balcon en forêt.

[ Dernière modification par black-monday le 19 fév 2011 à 20h36 ]

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Envoyé par kakkhara le Samedi 05 Mars 2011 à 21:12


exhumage de topic pour parler des odyssées de l'espace d'Arthur Clarke (2001,2010,2061 et 3001).


Il fallait s'y attendre, 2001 a été considéré comme une novelisation du film, étonnant non? En fait il faut savoir que Kubrick a fait appel à un auteur de SF confirmé pour son film, et que cet auteur a justement été Clarke.  Alors si vous avez du mal avec la SF, mais que vous avez adoré 2001 de Kubrick, mais vous n'avez pas tout compris, ce livre est fait pour vous.

Je ne m'étendrais pas sur 2001 dont le principal intérêt est d'éclairer les zones d'ombre du film, et passerait au reste de la saga. Clarke a réellement hésité avant de l'écrire. Pourtant 2010 ne manque absolument pas d'intérêt, dont le moindre n'est pas l'écriture de Clarke limpide avec un soupçon de lyrisme où l'on ne l'attend pas. Ce n'est pas le style littéraire du siècle, mais ça se laisse lire avec grand plaisir. En plus il y a des passages exceptionnels qui valent le détour, comme l'épopée de Tsien.

2061 a aussi de très bons passages, quant à 3001, s'il sent un peu le réchauffé, il part d'un scénario très audacieux (comprendre complètement démentiel ^^), du coup au second degré ça passe tout seul, d'ailleurs Clarke ne rechigne pas à insérer de l'humour, ce qui sauve complètement la série.

==>Bref voilà une oeuvre que je conseille aux fans de SF comme aux autres, ne serait-ce que 2001/2010.

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"_Je joue attirance mortelle sur mon pisteur invisible et je t'attaque avec.
_ouais, j'ai pris 1
_ok ..."


gedat

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Envoyé par gedat le Mardi 03 Mai 2011 à 18:21


J'ai du mal a parler des oeuvres qui m'ont vraiment plu, d'ailleurs j'avais massacre ma critique de Chungking Express sur le topic cine. Mais parce que j'avais promis de le faire il y a un bout de temps deja, je vais vous parler de Ripley Bogle. Quand je lisais des livres de fantasy plus jeune j'etais a la poursuite de mon experience de lecture de A la Croisee des Mondes, et quand je lis de la litterature plus "realiste" aujourd'hui je suis toujours en train de chercher entre les lignes un parfum reminiscent de la prose de Wilson, et ses deux romans majeurs, Eureka Street et Ripley Bogle, sont l'etalon auxquel tous les autres sont inconsciemment compares.
J'aurais du mal a faire une critique constructive et analytique autre que dire que le mec est un genie. Sa prose a une classe qui saute aux yeux, et a chacune des phrases on se sent tout petit face au flot d'intelligence qui irradie du texte. Vous savez la tendance qu'on a tous devant un morceau de musique, un poeme, un scenario de film, a se dire (tout en sachant que c'est irrealiste) "bof, c'est facile, avec un peu de peine moi aussi je pourrais le faire."? Et ben la, non. Jamais je ne pourrais ecrire comme ca. Impossible. C'est un sentiment d'humilite tres etrange qu'on acquiert a la lecture du livre.

Ripley Bogle, roman presque autobiographique, est le recit a la premiere personne du heros eponyme qui raconte sa condition de vagabond dans les rues de Londres, apres une scolarite avortee a Cambridge et une enfance a Belfast pendant les Troubles. C'est tres noir: Wilson nous fait sentir presque physiquement le froid, la faim, l'ennui, l'insecurite qui tenaillent le vagabond, le corps qui se desagrege sous l'action combinee de la sous-nutrition, de la cigarette, du gel. Mais en meme temps, l'ecrivain n'est pas un Lars Von Trier dont le seul but est de faire pleurer: Bogle au milieu de sa detresse garde constamment ce qu'il a de plus precieux: son intelligence hors normes, et decrit son errance avec un sens de l'humour et de l'auto-derision incroyable. Le prodige de Ripley Bogle, c'est que c'est un livre qui est tragique, a mille lieux d'etre une comedie ou une farce, mais ou j'ai ris un nombre incroyable de fois.

En Flashbacks, l'enfance du heros a Belfast est a peine plus gaie. Wilson decrit les tensions sectaires, pointe l'absurdite de la violence terroriste, dans un exercice qu'on imagine etre un grand catharsis autobiographique. La ville irlandaise est decrite comme une entite monstrueuse, qui ne laisse aucune chance a sa proie, qui grandit au milieu de parents violents, d'histoires d'amour desastreuses, de violence et d'alcool.  "C'est la faute a Belfast". C'est l'occasion pour Wilson d'exceller dans cet art irlandais de l'auto-derision nationale.

Cambridge est un oasis dans ce monde de misere, un periode ou le heros est vraiment heureux, mais ne perd rien de sa verve, et jette un regard meprisant sur un monde de nantis super-conservateurs et presque consanguins. Ripley n'a sa place nulle part, il est trop demesure pour ca, a l'image de la prose souvent hyperbolique qu'il deploie.

Les scenes londoniennes sont souvent d'une beaute inouie malgre leur pathos. L'humour est cotoye par une melancolie qui transperce dans toutes les descriptions, ou on trouve malgre tout la beaute a travers des immondices. Et les passages de dialogue avec le vieux polonais sont parmi les plus sinceres, les plus belles retranscriptions de rapports humains qu'il soit possible de lire. Malgre le cynisme et le mepris pour le monde qui emane du heros, il renferme une profonde humanite. On ne peut s'empecher d'avoir une immense admiration pour le personnage. Ripley Bogle peut etre un livre deprimant et hautement tragique, mais en le renfermant on a l'impression d'avoir fait la connaissance de quelqu'un de vraiment bien.

 


BorisPreban

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Envoyé par BorisPreban le Mardi 03 Mai 2011 à 18:59


Y a quelque chose que tu n'évoques pas, cest la dimension profondément masochiste de Bogle. Il est dans la merde mais il n'a auune envie d'en sortir, on le resent bien au moment ou il prend la fuite devant une ancienne condisciple. Parce que si Bogle se sent coupable, c'est parce qu'il estime avoir à payer pour ce qu'il a fait. C'est ce qui fait que malgré son niveau de langage élevé et sa prose limite aristocratique, Bogle n'est là ni pour faire le procès de l'humanité ni pour se faire plaindre.

Il y a également quelque chose de très intéressant dans l'épilogue ou Bogle avoue qu'il n'a pu intéresser son lecteur qu'en mentant sur son histoire, comme si le lecteur n'était selon lui prêt à accepter Bogle qu'une fois connues ses souffrances quotidiennes ( et là je te rejoins sur l'aspect ultra-viscéral du bouquin, quand Bogle crève la dalle ou se le gèle les miches, c'est digne de la Faim de Knut Hamsum ). Bogle vit sans trop savoir pourquoi, c'est un génie qui a raté tout ce qu'il y avait à rater et qui ne demande qu'à rester dans la misère ou il s'est mis.

Pour ma part c'est un livre qui fut fondateur ( j'en parle dans mon interview je crois ) et la vie de Boris doit tout à Ripley Bogle et à quelques autres bouquins. Wilson a l'immense mérite de trouver le ton juste, ce qui n'est pas si fréquent que ça en littérature.

Boris, on retrouve Bogle dans Eureka Street si ma mémoire est bonne ( quelqu'un sait si il apparait dans les autres livres de Wilson ? ).

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gedat

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Envoyé par gedat le Mardi 03 Mai 2011 à 19:18


Y a quelque chose que tu n'évoques pas, cest la dimension profondément masochiste de Bogle. Il est dans la merde mais il n'a auune envie d'en sortir, on le resent bien au moment ou il prend la fuite devant une ancienne condisciple. Parce que si Bogle se sent coupable, c'est parce qu'il estime avoir à payer pour ce qu'il a fait.
 
Exact, c'est une sorte de procratination poussee a l'extreme. Et c'est tres fort, parce que d'habitude j'execre les romans mettant en scene des comportements irrationels pour faire du tragique artificiel, et Ripley Bogle est l'un des rares livres avec Crime et Chatiment ou ce procede prend grace a mes yeux.
Boris, on retrouve Bogle dans Eureka Street si ma mémoire est bonne ( quelqu'un sait si il apparait dans les autres livres de Wilson ? ).
 
La douleur de Manfred est introuvable meme dans les librairies de Belfast, donc je ne l'ai pas encore lu, il va falloir que j'essaie de le commander a l'occasion.

He je m'etais plante sur le titre du Burroughs que j'avais commence, c'etait en fait The Soft Machine au lieu du Naked Lunch. Du coup j'ai quand meme lu Junky sur tes conseils et c'est tres bien. Ca ne m'etonne pas du tout que Cronenberg ait eu envie d'adapter un de ses romans vu combien la thematique corporelle est importante dans Junky (le narrateur repetant que l'addiction a l'heroine est ancree dans la chair, il va meme jusqu'a dire que l'arret de la drogue ne resulte pas de la volonte de l'utilisateur mais d'une decision cellulaire).

Sinon tu es toujours dans Kafka?


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Envoyé par BorisPreban le Mardi 03 Mai 2011 à 19:27


Nan. Là avec le taff et les films j'ai plus le temps de lire grand chose et c'est vraiment la misère cérébrale, en espérant avoir l'occasion de reprendre cet été ( si j'ai mon année quoi ). J'ai du Pynchon, du Vollmann, du Selby et du Bukowski entre autres qui m'attendent après Kafka mais je sens que c'est pas gagné, loin s'en faut.

Boris, lecteur-tortue.

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Envoyé par black-monday le Mardi 03 Mai 2011 à 19:46


L'écriture de Kafka m'a toujours soulé. J'ai lu pas mal de choses de lui, j'ai même lu la biographie que lui a consacrée son ami Max Brod. J'avais 15 piges, et j'étais hanté par l'absurde, complètement perdu. Je n'aime pas son style, enfin celui des traductions ; dans ma bouche, Kafka m'a toujours l'air de minéral concassé. C'est sec, froid, poudreux, indigeste. Mais c'est du génie pur qui me fascine. En dépit de mon dégoût j'ai quand même dévoré tout ce que j'ai pu lire de lui. Etrange bonhomme pour moi, très touchant, cassé par la vie assurément, inadapté au monde, mais putain quel regard...

C'est Amerika, que je préfère, peut-être parce qu'il est inachevé. Allez savoir. Cette oeuvre est tellement différente du reste. Ou peut-être Le Château. Mais le style, merde, m'est tellement antipathique...Cela ne sonne pas à mon oreille. On dirait de l'indus.

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"Ouais même que Valérie Damidot est tellement grasse que si elle se trempe un pinceau dans le fion, elle réinvente la peinture à l'huile."


BorisPreban

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Envoyé par BorisPreban le Mardi 03 Mai 2011 à 19:51


Cela dit, quelqu'un qui trouve Kafka ou son style " sympathique ", je me dis qu'il est soit déchiré soit qu'il ment et n'a rien lu. Kafka n'a rien d'agréable, de commode, de doux. C'est pour ça que je suis tout à fait d'accord avec ce que tu en dis.

Boris.

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