L'Exode
"Nous avons exploré Dominaria par les cartes, il est grand temps de l'explorer par les yeux."
Depuis plusieurs heures se tenait sur la Grand place de Corellia un Conseil Exceptionnel présidé par Edhon, qui réunissait tout son peuple pour lui apprendre une nouvelle si difficile à supporter : Il leur fallait quitter le monde qui les avait vu naître, quitter leurs terres, et fuir le danger qui ne manquerait pas de les poursuivre, si bien qu'ils ne pouvaient savoir ce que serait leur destin, si ce n'est qu'il ne se déroulerait pas sur la côte corellienne. L'Ange scruteur avait été clair : l'armée shälämäk marchait vers la côte pour trouver l'objet détenu par les Corelliens qui pourrait être décisif et traverser la brèche vers le Vrai Monde, mais une autre chose était certaine, des rayonnants, des êtres de lumière avaient également été envoyés pour récupérer cet artefact, et poursuivraient les corelliens où qu'ils aillent.
L'homme qui avait finalement parlé après le discours d'Edhon se nommait Tar, un humble cartographe qui s'était décidé à prendre la parole alors qu'un silence religieux régnait dans toute la ville. Après quelques secondes, tous se mirent à acquiescer les uns après et les autres. Peu nombreux étaient ceux qui n'étaient pas terrorisés à l'idée d'un tel périple, mais tous avaient compris qu'ils n'avaient guère le choix. La Garde corellienne, ainsi que tous les hommes entraînés, avaient rejoint les dauthis et les soltaris aux abords de la brèche. Seul Fezall restait, à la fois pour rendre compte à l'armée qui venait de se former des évènements qui se passaient, et aussi pour contempler une dernière fois la ville pleine de monde, avant qu'elle ne soit laissée à l'abandon. Il n'y avait rien à faire, il fallait partir. Partir pour se protéger de la bataille qui allait avoir lieu, partir pour trouver un moyen de soigner les souffrants, les personnes infestées par le mal invisible qui devenaient plus nombreuses de jours en jours.
Ils partirent sans jeter un seul regard sur Corellia. Souffrir était la dernière des choses à faire. Après les indispensables préparatifs de départ, les "exilés" se mirent en marche vers leur destin, guidés par Ertaï le sorcier, et Aneleh, le dragon de la Yavimaya, leur prochain refuge. La matinée était déjà bien entamée. En quelques minutes, la ville ne fut plus peuplée que de mouettes et du bétail qui ne pouvait être emporté.
Quelques heures plus tard, ils étaient en vue des premières dunes d'Agima. Il leur faudrait traverser un pan du désert, passer par les plaines de Larsäk, escalader Otennin, et alors seulement ils seraient en vue de la Yavimaya. Il foulèrent le sable sous un soleil torride, abrités sous des tentures, et dans des caravanes. Au moment du départ, l'instinct de leurs ancêtres nomades était revenu, et leur marche dans cette chappe de plomb leur était moins pénible. Dans cet océan ocre, où l'image trompeuse de ville fantôme apparaissait parfois derrièreles dunes, il était impossible de se répérer, aussi suivait-il consciencieusement le dragon, qui lui semblait savoir s'orienter dans ce désert. Pyor, un jeune artisan, était le premier à pester contre ce paysage informe, dont les courbes semblaient changer à chaque instant. Après avoir plusieurs fois scruter le désert, il lui apparut qu'effectivement, dès qu'il était tourné dans la direction opoosée, les dunes changaient de place. D'ailleurs dans ces moments là, le sable semblait sautiller imperceptiblement, et un tremblement sourd venait du sol. Quelque chose clochait, ou bien le désert était vivant, ou bien quelque chose se balladait sous la surface. Lorsqu'une dune commenca à se rapprocher de lui à toute vitesse, son sang ne fit qu'un tour.
"En arrière ! cria-t-il en repoussant ceux qui le suivaient"
Il eut juste le temps de se propulser sur le sable avec quelque autres avant qu'une gigantesque forme ne surgisse du sol et n'engloutisse un chariot et son conducteur avant de plonger à nouveau.
"Une guivre, hurla Pyor, il y a une guivre !"
Les corelliens s'immobilisèrent. Le sol se remit à trembler à l'avant du convoi, le sable s'écarta et la guivre émergea à nouveau, la gueule béante, prête à retomber sur Ertaï qui menait la marche. Celui-ci était déjà prêt à en découdre et de l'énergie pure affluait déjà au bout de ses doigts. Une gerbe noire et bleue jaillit de sa paume, mais avant qu'elle atteigne la guivre, celle-ci avait disparue et réapparaissait quelques dizaines de mètres plus loin dans le convoi, dévorant encore au passage quelques exilés. Bellad, qui occupait avec sa femme une cariole juste derrière Ertaï, bondit sur le sol.
"C'est elle, cria-t-il au sorcier par dessus les rugissements et les hurlements, c'est la guivre que recherchaient les dauthis et les soltaris pour combattre ! Celle qui traverse l'Entremonde !"
Ertaï soupira. Une créature capable de changer de dimension à volonté. Comme si cela ne suffisait pas... Le sorcier se tourna vers Aneleh. Il ne serait pas trop de deux pour prendre une décision crucial en ce moment critique, alors que derrière lui les exilés courraient en tous sens. Seulement le dragon n'était plus là. Il volait déjà à une dizaine de mètres au-dessus du sol, et guettait la prochaine apparition de la guivre. Une fois ses griffes plantées dans son cuir, elle aurait beau traverser les mondes, il resterait avec elle. Il fondit sur elle alors qu'elle s'apprêtait à déchiqueter un exilé isolé. Elle se débattit plusieurs minutes, battant le sable de sa queue, tentant vainement de mordre le dragon. Mais ses dents étaient ses uniques armes, et Aneleh était accroché à elle, si bien qu'elle finit par s'affaler sur une dune, avant de laisser son assaillant l'achever. Après quelques tressaillements, elle s'immobilisa définitivement. Et les corelliens laissèrent exploser leur joie en louant la puissance de leur protecteur. La voix du reptile les stoppa net dans leur élan.
"Nous avons perdu quelques uns d'entre nous, commenca-t-il, je suis blessé, et le désert est infesté de ces créatures. Votre joie sera de courte durée. Je ne pourrais vous protéger à chacune de leurs attaques."
Alors que tous baissaient la tête, de plus en plus soucieux, le sol se remit à trembler, bien plus fort que précédemment. Quelque chose, ou même plusieurs choses, arrivaient droit devant. Les coeurs recommencaient à battre la chammade, et seul Ertaï semblait serein. L'espace d'un instant le tremblement cessa. Puis deux guivres immenses, plus grandes encore que celle qui les avait attaqué sortirent du sable avec autant de puissance que de majestuosité. Devant eux se tenait Kollôk et Sammsäka, père et mère de toutes les guivres de Dominaria. Des êtres aussi sages que leur condition de bêtes le leur permettait. Ertaï engagea la conversation. Il expliqua que l'ordre des choses ne devait normalement pas être changé, les humains n'étaient pour les guivres que de la nourriture, mais aujourd'hui un péril bien plus grand menacait toutes les créatures présentes sur cette terre et les corelliens étaient les acteurs du destin du monde, ils devaient être préservés, ne serait-ce qu'un temps. Il leur demanda donc la permission de traverser cette région du désert sans encombre. Les deux créatures réfléchirent quelques minutes, leurs corps gigantesques cachant le soleil, puis Sammsäka s'approcha du sorcier, et lui susurra de ses multiples bouches : "Passez. Et vivez. Aucun mal ne vous sera fait, puisque votre vie est notre vie."
Et les deux guivres repartirent dans les profondeurs du désert. Le périple continuait.
Youplaboum
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[ Edité par Corvis Le 23 jun 2005 ]
[ Edité par Corvis Le 30 jun 2005 ]