Muse - Absolution (2003)
"Come on it's time for something biblical"
Une bonne surprise pour moi, cet album est celui sur lequel on sent que le groupe s'est enfin trouvé. Showbiz était intéressant mais son rock alternatif assez grunge s'accordait bizarrement avec les envolées lyriques de Matt. Quand à Origin of Symmetry, il parvenait à remettre l'instrumentation à la hauteur de la démesure du chant, avec l'introduction de riffs métal, de plus de synthés et de structures complexes, mais sonnait parfois un peu gadget du coup. Absolution recadre les excès de son prédécesseur, et on a un Muse plus équilibré, plus mature, qui abandonne un peu de ses fioritures pour délivrer un rock efficace même si toujours grandiloquent: globalement, les chansons de plus 6 min ont été abandonnées.
La recette prend dès l'ouverture de l'album sur Apocalypse Please, qui a la particularité d'avoir un des noms les plus stylés de l'histoire de la musique, et remplit très bien son rôle. Absolution est plein de ces chansons agréables dès la première écoute, et qui se bonifient même par la suite, et arrivent au compromis, chose difficile d'habitude chez Muse, qui consiste à faire une chanson puissante qui évite en même temps le super-lourd. Stockholm Syndrome par exemple a un refrain excellent (Matt hurlant "I WISH I COULD" étant un des grands moments de l'album) et une fin violente qui fait plaisir. Le groupe parvient même à toucher des cordes émotionnelles qui sont d'habitude hors de son registre sur le riff crépusculaire de Sing for Absolution, chanson par ailleurs magnifique.
Les trois dernières chansons sont assez ennuyeuses quand même. Les deux ballades sont assez superflues. Reste que la fin de l'album est rehaussée par Butterflies & Hurricanes, dont le pont au piano a trop la classe.
Les deux tubes Hysteria et Time is Running Out sont toujours aussi efficaces, la première étant une vraie démonstration de jeu de basse.
Bref Absolution est l'album qui me réconcilie un peu avec Muse, groupe que je trouvais auparavant capable de coups de génie occasionels mais assez légers une fois grattée la surface. J'espère que Black Holes & Revelations saura continuer dans cette veine.
Sonic Youth - Dirty (1992)
"I love you, I love you, I love you, what's your name?"
Quand on sait que sur le prédecesseur de cet album, Goo, le groupe faisait des expérimentations avec des moteurs de scooter tournés en boucle et que ça ne dépareillait même pas des autres titres, on se dit que le titre Dirty est forcément pertinent. Et force est de constater que l'on est pas déçu: on a là un des albums les plus rocks du groupe, un de ceux qui donnent le plus dans la hargne, les rythmes névrosés, la rage, les thèmes politiques, le sexe, le son crade de saturations poussées aux dernières extrémités, et tout simplement le plaisir de faire de la musique qui envoie. Le côté ambient de certains albums se trouve là assez mis en retrait, et même si le son reste très peu conventionnel et expérimental, le format des chansons se cadre plus dans une esthétique rock classique (entendez par-là qu'il y a moins de plages de bruit blanc de cinq minutes ou d'accords dissonants répétés pour induire une sorte de transe) même on trouve quand même des morceaux comme JC, d'ailleurs un des sommets de l'album, qui sont dans cette veine.
D'emblée à l'écoute de 100% on sait que Dirty sera saturé d'énergie, énergie non pas exprimée sainement mais déchargée nerveusement par toutes les méthodes de torture de guitare qui soit possible. C'est malsain à souhait, la voix lascive de Kim Gordon ne faisant rien pour contrebalancer la tendance.
Sinon, comme d'habitude chez Sonic Youth, c'est vraiment la grande classe, sauf que ce Dirty se distingue des autres par le nombre exceptionnellement élevé de chansons incroyables qu'il aligne. Drunken Butterfly est un véritable manifeste artistique, et si on devait décrire en 3 minutes ce qu'est le groupe on le ferait en jouant cette chanson: l'ouverture est tout simplement incroyable, et les riffs de guitare qui soutiennent la suite le sont presque autant. Sugar Kane est juste effroyablement cool avec son refrain pop et sa ligne de basse. En parlant de basse, on atteint l'orgasme avec le riff de Youth Against Fascism, chanson-slogan qui à sa rythmique presque métal associe une déferlante de sons de guitare torturées. On écoutant Youth Against Fascism on se dit qu'on a peut-être là la chanson rock alternatif absolue.
La fin de l'album a son lot de petits bijoux aussi, du solo de guitares de Chapel Hill jusqu'à la dernière chanson Crème Brûlée qui est plus calme mais ou Kim Gordon rêve qu'elle embrasse Neil Young.
Bon par contre je vais attendre un peu avant le prochain parce qu'à chaque Sonic Youth je perds un quart de mes capacités auditives.