La vie de Boris, chapitre 71 : Un nouvel ennemi
Personnages :
1) La direction des finances
CHEF : La chef du pole.
BORIS : Chef de la section des pertes et profits.
FOLDINGUE : Binôme théorique de Boris. Cumule les séjours en asile psychiatrique.
LICORNE : Binôme réel de Boris. Nouvelle, naïve et inexpérimentée.
FURAX, TRANQUILLE et RUSEE : Sbirettes de Boris. Dites " les Drôles de dames ".
MALIGNE : Ancienne sbirette promue entre temps. A quitté le service.
2) Le Pôle de spécificité
ARI CASPIAN : Chef officieux de la section Recouvrement.
Prologue
BORIS : Allô ?
MALIGNE : Hé chef, c'est moi.
BORIS : Salut Maligne. Ca va l'école ?
MALIGNE : Pas mal. Dis voir, faut que je te raconte un truc. Devine avec qui j'ai fait une réunion hier ?
BORIS : Ma langue au chat.
MALIGNE : Le pôle de spécificité. Et devine quel était le sujet du jour, dont tout le monde parlait ?
BORIS : Langue au chat bis.
MALIGNE : Toi.
BORIS : Moi ?
MALIGNE : Comment t'es méchant, comment t'es un foutu psychorigide qui ne laisse rien passer, comment tu emmerdes le monde… Evidemment je m'en suis mêlée et j'en ai rajouté totalement, en racontant comment tu me martyrisais quand t'étais mon chef, comment tu vérifiais tout quinze fois etc. Histoire qu'ils soient tous convaincus que t'es un tortionnaire. J'avais tellement envie de rire, mais j'ai réussi à raconter tout ça en restant super sérieuse jusqu'au bout.
BORIS : Habile.
MALIGNE : Y en avait qu'un qui ne disait rien. Ari Caspian. Pas un mot, sauf à la toute fin. Il m'a demandé si t'étais vraiment si malin, j'ai répondu que oui. Alors il m'a dit " on va voir ça ". Donc Boris, fais gaffe. Je sais pas ce qu'il te prépare, mais un type averti en vaut deux. Caspian est vraiment dangereux.
BORIS : Merci de m'avoir prévenu. Passe une bonne journée.
Deux semaines plus tard
CHEF : Boris, j'ai besoin de votre signature ici.
BORIS : C'est quoi ?
CHEF: Une demande pour repousser la prescription sur un dossier du pôle de spécificité, signée d'Ari Caspian. Manquent la moitié des pièces, c'est justifié n'importe comment et il est en tort sur la question du conjoint en surendettement. Rejet direct, mais j'ai besoin de votre signature.
BORIS : Vous permettez ?
CHEF : Cherchez pas. C'est du n'importe quoi.
BORIS : Hum.
CHEF : Vous signez ?
BORIS : Je peux dire non ?
CHEF : Comment ça ?
BORIS : Je ne veux pas signer ce rejet. Caspian a raison juridiquement. La prescription est relancée sur le conjoint en surendettement.
CHEF : La jurisprudence dit l'inverse.
BORIS : Je suis pratiquement sur qu'il y a eu un revirement de jurisprudence il y a quelques années.
CHEF : Ecoutez Boris, vous n'êtes pas ici pour votre expertise juridique. Vous êtes aux pertes et profits… L'expertise juridique c'est pour le pole national.
BORIS : Alors je vous propose un compromis : on contacte les experts du pole national et on leur pose la question. Si ils disent comme vous je signe. Sinon on reprend le dossier.
CHEF : Vous pensez vraiment qu'on à que ça à faire ? Que j'ai une heure à gâcher à contacter le Pole National ?
BORIS : Je suis prêt à prendre le temps qu'il faudra pour ça mais je ne signerai pas à l'aveugle.
CHEF : Très bien…. mais on en reparlera.
(Chef sort du bureau, Licorne entre)
LICORNE : T'as mis la chef en colère.
BORIS : Probablement.
LICORNE : T'as fait quoi encore ?
BORIS : J'ai refusé de signer un rejet sur une fausse prescription du Pole de Spécificité.
LICORNE : Je croyais que tu les détestais et que tu trouvais qu'ils étaient nuls ?
BORIS : C'est le cas.
LICORNE : Alors pourquoi tu te mets la chef à dos pour leur sauver le coup ?
BORIS : T'as dix minutes devant toi là ?
LICORNE : Je vais les prendre. Je t'écoute.
BORIS : C'est un dossier d'Ari Caspian.
LICORNE : C'est qui ?
BORIS : Le chef officieux de la section recouvrement, au Pôle de spécificité.
LICORNE : Encore un idiot ?
BORIS : Surement pas. C'est de loin le type le plus intelligent du Pôle, peut-être même du département.
LICORNE : Alors c'est quoi le problème ?
BORIS : Regarde ça. C'est le dossier fiscal de monsieur Caspian.
LICORNE : Son dossier fisc….. attend, c'est pas un gars de chez nous ?
BORIS : Si. Il doit l'équivalent de ton salaire annuel en arriérés d'impôts.
LICORNE : Tu veux dire que le gars qu'on envoie chasser les fraudeurs…..
BORIS : Est lui-même un fraudeur. Et un brillant. Les numéros 51 là, ça te parle pas, mais moi si, j'étais en comptabilité avant. 51, ça veut dire qu'il y a eu une couille sur le dossier. Je me suis renseigné. Caspian nous a fait un procès. A l'administration. Sois disant qu'il avait pas reçu les notifications….
LICORNE : C'est une blague ?
BORIS : Et ça là c'est le jugement.
LICONE : " Faisons droit à monsieur Caspian… ". Attends…. il a GAGNE son procès ?
BORIS : Oui. On lui a remboursé ses impôts. Qu'il devait.
LICORNE : Le mec ne paye pas ses impôts, bosse aux impôts, fait un procès aux impôts et gagne ?
BORIS : Juridiquement c'était imparable.
LICORNE : Mais attends, niveau déontologie, ça coince pas un peu ?
BORIS : Si. C'est pour ça que je n'ai pas signé.
LICORNE : Je comprends pas le rapport entre le fait qu'il fraude et ton truc de prescription.
BORIS : Caspian est sur la sellette depuis des années. Tout le monde sait qu'il fraude. Ce qui fait qu'il reste là, c'est sa chef qui le considère comme la huitième merveille du monde. Mais elle a une ennemie : notre chef à nous. Qui veut virer Caspian a tout prix.
LICORNE : Je peux pas lui reprocher.
BORIS : Comme Caspian est le mec le plus malin d'un service d'abrutis, ça passe. La rumeur dit que quand un type qui tient debout débarque là-bas, Caspian se démerde pour le faire dégager très vite, histoire de rester le seul type d'aplomb référent, tu vois l'idée ?
LICORNE : Oui.
BORIS : Mais depuis quelques mois y a quelqu'un qui s'est mis en tête d'éplucher à fond tous les dossiers de Caspian et de lui faire rejet sur rejet.
LICORNE : Toi ?
BORIS : Oui. J'en ai dégagé plusieurs dizaines. Je lui ai fait une vie infernale et il n'aime pas. Je sais depuis quelques semaines qu'il me prépare un sale coup. Maligne me l'a confirmé.
LICORNE : Je comprends qu'il t'en veuille mais pourquoi ce truc de prescription ?
BORIS : J'y viens. Depuis deux semaines, ses dossiers sont parfaits. Que des machins qui tiennent parfaitement la route, je commençais à penser qu'il arrêtait de se foutre de nous. Et là, le dossier de prescription des conjoints, ou il manque la moitié des pièces, rédigé avec le cul, et avec une motivation juridique douteuse.
LICORNE : Alors pourquoi tu ne veux pas le rejeter ?
BORIS : Parce qu'il est bon. Au lieu de faire comme d'habitude et de présenter des dossiers de merde déguisés en trucs cleans, il fait le contraire. Il veut qu'on pense que le dossier est pourri alors qu'il est clean.
LICORNE : Mais c'est quoi son intérêt ?
BORIS : Si on rejette son dossier on bloque les actions. Si Caspian ou sa chef contestent ça passera devant la Cour des comptes. Qui enverra un expert juridique qui trouvera qui s'est planté : nous, pas lui. Ca veut dire responsabilité de la perte. Et là des têtes risques de tomber.
LICORNE : La chef ?
BORIS : Ca aurait pu. Mais elle sera en retraite d'ici à ce que la Cour des comptes débaroule. Le bouc émissaire plus probable serait un pauvre con d'inspecteur trentenaire qui aurait eu la mauvaise idée de signer le rejet. Ma gueule.
LICORNE : Je crois comprendre mais….. en gros Caspian veut te pousser à la faute.
BORIS : Ouaip.
LICORNE : Mais comment tu savais pour le revirement de jurisprudence ?
BORIS : C'était le sujet de mon partiel de master 1 droit des affaires.
LICORNE : T'avais réussi ?
BORIS : 4/20 et redoublement. Crois-moi que je risquais pas de l'oublier, ce revirement de jurisprudence. Sans lui, j'aurais peut-être un vrai métier.
CHEF : Boris ?
BORIS : Oui ?
CHEF : Je viens d'avoir la division juridique au téléphone. Ils valident votre position et celle d'Ari Caspian. Acceptez le dossier. J'ai failli nous faire faire une bourde.
BORIS : Le risque zéro n'existe pas…..
CHEF : Je me demande pourquoi un type comme Caspian présente un dossier aussi branlant vu les enjeux financiers derrière. Je vais finir par croire qu'on surestime totalement ce type.
BORIS : Je vois pas vraiment les choses comme vous……
Epilogue (dix jours après):
LICORNE : Boris….. je peux te passer quelqu'un au téléphone ?
BORIS : Qui ?
LICORNE : Le grand méchant loup !
BORIS : Passe.
ARI CASPIAN : Bonjour.
BORIS : Bonjour.
ARI CASPIAN : Ah, Boris. Enchanté. J'ai pas mal entendu parler de vous figurez-vous.
BORIS: Je doute franchement d'être aussi connu que vous sur ce département.
ARI CASPIAN : Je voulais vous parler de l'histoire de la prescription sur les conjoints là. Figurez-vous que j'avais des doutes ; je me suis dit " vous allez voir qu'à la Direction on va me refuser le dossier ", je sais à quel point vous pouvez-être, excusez-moi mais " tatillons ".
BORIS : Ca aurait été vraiment dommage….
ARI CASPIAN : Je ne vous le fais pas dire. Bref, j'ai lu votre instruction positive et j'ai apprécié. J'ai eu tort de croire que vous alliez rejeter ça un peu hâtivement…. Comme quoi, j'ai été victime de mes propres préjugés, et j'ai eu bien tort !
BORIS : Excusez-moi mais…. la femme qui m'a précédé sur mon poste, c'était une experte absolue en prescriptions. Pourquoi vous n'avez pas présenté le dossier à son époque, il aurait été admis en dix secondes ?
ARI CASPIAN : Oh…. j'ai du oublier le dossier dans un coin et lorsque j'y ai repensé, vous aviez pris la place. C'est vrai que ça aurait pu être dommageable cette histoire ! Heureusement, grâce à votre expertise, nous avons échappé au couac !
BORIS : Monsieur Caspian, je dois dire que vous êtes largement à la hauteur de votre réputation. C'est rare dans notre métier.
ARI CASPIAN : En tout cas, je voulais vous dire, il est extrêmement probable que nous ayons à retravailler ensemble, ce qui me réjouis. C'est agréable pour moi d'avoir en face quelqu'un qui voit les choses en profondeur. Nous devrons sans doute revoir des dossiers tous les deux très prochainement.
BORIS : Ca devrait être intéressant….
ARI CASPIAN : N'est-ce pas ? Je ne vous dérange pas plus longtemps, passez une bonne journée et à bientôt.
BORIS : A très bientôt.
LICORNE : Alors ?
BORIS : Il ne me sous-estimera pas deux fois.
LICORNE : Il va arrêter de présenter des dossiers litigieux ?
BORIS : Il me baisera la gueule à la première occasion.
LICORNE : Tu penses être plus fort que lui ?
BORIS : Il est plus rusé, plus tordu, plus intelligent et plus vif que moi. Et il a un meilleur réseau.
LICORNE : Et toi, tu as quels avantages ?
BORIS : Euh…… Toi. Tu vas m'aider à le contrer.
LICORNE : Pourquoi ?
BORIS : Parce que si on me vire, t'es la suivante dans l'organigramme et tu vas sans doute hériter du secteur. Est-ce que tu as envie d'être la nouvelle chef de ce truc, réponds franchement ?
LICORNE : …….
BORIS : ………
LICORNE : Bon. On commence comment ?
Boris.