Borislehachoir Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/08/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 23/04/2004 7425 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Borislehachoir le Jeudi 10 Janvier 2019 à 23:43
La vie de Boris, chapitre 30 : baston générale
- C'est quelle heure, le prochain RER ?
- Huit minutes.
Le pressé, c'est Lucas, un collègue. Je ne sais même pas pourquoi je parle de lui tant il n'aura aucun rôle réel durant la suite de l'histoire. L'autre, c'est votre serviteur. Quoi de plus ennuyeux que deux inspecteurs des finances qui attendent un RER pour rentrer chez eux, pas vrai ?
- Il se passe quoi là ?
Effectivement, il se passe un truc. Une bande de djeunz, entre douze et quinze a vue d'œil, a visiblement eu la regrettable idée de mettre de l'argent dans un distributeur de boisson de Chatelet, distributeur ayant eu le mauvais gout de ne pas leur fournir la gaufre ou le paquet de chips désiré. Face à cette hostilité, nos jeunes amis se mirent simplement à envoyer coups de poings, de pieds, roulades latérales et placages de football américain sur l'infortunée machine, le tout durant plusieurs minutes.
- Ils sont cons ou quoi ?
- Tu sais comment on définit la folie ?
- Non.
- C'est quand tu fais cinquante fois le même truc en espérant toujours un résultat différent.
Lucas et moi allions nous éloigner du fascinant spectacle quand un type plus courageux ou suicidaire que les autres, doté d'une carrure de rugbyman, se prit à intervenir.
- Vous avez pas honte franchement ? C'est dégueulasse d'avoir aucun respect comme ça.
Les djeunz se regardèrent entre eux et le supposé leader charismatique, un petit type sanguin, répondit :
- T'es en train de nous dire quoi là ?
J'ai regardé Lucas et posé mon sac à ses pieds, ainsi que mon manteau.
- Tu peux me garder ça ?
- Attends Boris… Tu vas faire quoi ?
Je n'ai pas répondu et suis allé discrètement me placer juste derrière Rugbyman. Le temps presse et je ne peux pas en perdre en expliquant à Lucas ce que j'ai remarqué avant lui. Que Rugbyman, le suicidaire, a la démarche hésitante du gars qui a trop bu et ne tiendra pas dix secondes en combat. Que Sanguin a tous les signes du drogué en manque, que plusieurs de ses potes sont nettement en train de se placer en demi-cercle autour de Rugbyman et qu'au stade ou on en est, personne ne me fera croire que la bagarre est évitable. J'observai les camarades de Sanguin. Quatre ou cinq filles, qui ne se battraient pas au corps à corps. Deux ou trois types passifs qui devraient être gérables. Deux noirs avec la coupe rasta tout aussi agressifs que leur chef : combat inévitable. Un blanc en veste Fila qui insultait copieusement Rugbyman ; inévitable aussi. 6 ou 7 adversaires minimum, peut-être plus.
- Je vous ai dit que vous aviez zéro respect….
Je n'ai même pas vu le coup partir. Toujours est-il qu'avant un clignement de mes yeux, Rugbyman était encore debout, et qu'après, il était écroulé face à Sanguin qui s'apprêtait à lui balancer un coup de pied en pleine tête.
J'ai sauté sur Sanguin et réussi à le ceinturer avant qu'il ne puisse replacer un coup. Rasta 1 en profita pour me balancer un coup de pied facile à éviter pour m'écarter de son pote, mais alors que j'allais réussir à attraper Rasta 1, un type à bonnet ressemblant à Serpico me poussa pour me neutraliser. Je compris que dans la confusion de la mêlée, Serpico m'avait pris pour un membre de la bande.
- Je suis avec vous putain !
Serpico mit une demi-seconde à percuter et me fit un micro-signe de compréhension. Sanguin avait profité de la situation pour se relever, et alors que je tentais de le ceinturer pour la deuxième fois, il m'envoya une droite en pleine tête qui m'amena à une conversation mentale d'un dixième de seconde avec ma part la moins présentable, celle d'Evil Boris.
- Frappe le ! Explose-moi ce con !
- On les sépare et on se casse.
- Il vient de te frapper, démonte-moi ce fils de pute !
- Ce fils de pute à rien à perdre. Pas moi.
- Si tu les laisses s'en tirer comme ça t'es une merde !
- J'accepte l'idée.
Alors que Sanguin allait m'en aligner un deuxième, un vieux monsieur noir lui arriva dessus par derrière et le plaqua au sol. Une charge de Rasta 2 fut également facilement bloquée par Serpico tandis que je me retrouvais en face-à-face avec le gars à la veste Fila. Une attaque trop lente de sa part fut facile à éviter, et je réussis à lui choper le bras avant de le faire tournoyer autour de moi en mode tourniquet.
- Lâche moi enculé !
- Arrête putain !
Je finis par lâcher Fila qui réussit in extremis à garder l'équilibre. Il réavança vers moi l'air un peu plus hésitant, jusqu'à ce que je place une de mes punchlines les plus moisies en 30 ans d'existence.
- Vous allez arrêter vos conneries oui ?
Fila me regarda, et à mon immense surprise, recula. Les rastas et les autres le rejoignirent tandis que Serpico maintenant Sanguin au sol et qu'un groupe de témoins avait fini par former un périmètre autour de Rugbyman, toujours allongé par terre.
- Il va bien ?
- Il a pris quelques sales coups mais ça a l'air d'aller.
Je suis retourné vers Lucas reprendre ma veste et mon sac.
- Tu….
- Ca devrait aller. Rentre sans moi.
- Tu crois…
Je n'ai pas cru, j'ai vu. Une quinzaine de policiers et d'argents de la RATP débarquant en courant sur le quai. La bande qui, dans sa grande stupidité, n'avait vient vu venir et se retrouva encerclée. Rugbyman qui avoua n'avoir pas tout pu voir dans la mêlée mais identifia quatre agresseurs : Sanguin, les deux rastas et Fila. Moi soufflant de soulagement à voir que la victime avait encore toute sa tête car même si la mêlée avait concerné bien plus de gars de leur bande, il était impossible pour Rugbyman comme pour moi de se souvenir exactement qui avait fait quoi parmi les autres. Les flics qui passent les menottes au quatuor. Les amis de la bande qui insultaient la police pendant que Serpico leur parlait dans un langage auquel je ne comprenais rien avant d'avoir une révélation.
Putain, c'est un flic lui aussi. Un putain de flic en civil. Le sosie de Serpico qui est flic comme Serpico.
Les RER qui repartent emportant Lucas vers le dieu sommeil. Le monsieur noir qui m'avait défendu, disparu dans la confusion, probablement peu enclin à fréquenter la police. Tous les témoins qui disparaissent sous divers prétextes jusqu'à ce qu'autour de Rugbyman il ne reste que les flics, Serpico et moi. Les copines des menottés qui s'opposent dans un débat doctrinal captivant : à celles qui pensent pouvoir faire libérer leurs copains en payant les flics répondent celles qui proposent de simplement les sucer tandis que Sanguin hurle à Rugbyman qu'il le tuera dès qu'il sortira. Moi qui pense avoir atteint un sommet de n'importe quoi jusqu'à l'arrivée d'un grand noir que personne ne semble connaitre.
- Excusez-moi..... Je suis agent de sécurité chez Sephora.
Personne ne répondit à cette présentation qui n'induisait pas grand chose.
- Tout à l'heure, des gens sont venus dérober des objets chez nous. Je les ai vu et j'ai porté plainte contre X. C'est deux des gars que vous avez menotté là, le rasta au fond et celui à côté passe son temps à hurler. Du coup je voudrais que ma plainte soit modifiée et qu'il soit bien dis que c'est vos deux types avec les menottes là.
Je regarde Serpico avec l'air désespéré.
- Arrêtez-moi mais…. ces couillons sont allés dévaliser un Sephora, et alors qu'il y avait une plainte contre eux, ils ont rien trouvé de mieux à faire que de se battre sur le quai de RER parce qu'il y en a un qui n'avait pas pu avoir un paquet de chips ?
- On voit ça tous les jours hein.
Les choses se tassent. Les compagnons du quatuor finissent par partir d'eux-mêmes, le groupe, composé maintenant d'une majorité de filles, n'ayant plus le cœur à la bagarre. Un groupe de policiers part avec les 4 agresseurs menottés .
Le témoignage de Serpico était si précis que je n'avais quasiment rien à rajouter, si ce n'est l'histoire du distributeur qu'il avait manqué en intervenant après le début de la rixe. Les policiers prirent néanmoins 3 fois la même déposition de ma part, alors que j'entendais quelqu'un souffler " balance " et qu'il n'y avait que les flics, Serpico et moi dans la pièce.
- Euh….. on m'a traité de balance ?
- C'est pas vous c'est moi.
Je regardai Serpico avec un air ahuri.
- Même si vous étiez hors service il était normal que vous interveniez non ?
- Rien à voir. Tous les flics là, je les connais. J'ai dénoncé un de leurs potes à la police des polices y a six mois, après qu'il ait tabassé un suspect. Ils me haïssent et font tout pour me faire chier. C'est pour ça qu'ils font autant durer la procédure, c'est pas contre vous, ils veulent juste que je rentre chez moi le plus tard possible.
Cette soirée allait de surprise en surprise.
- Vous avez la tête de Serpico, le boulot de Serpico et vous avez même la vie de Serpico, c'est délirant là.
- C'est qui Serpico ?
- Vous avez jamais vu le film avec Al Pacino ?
- Je regarde pas trop de films.
- Essayez celui-là parce que ça a l'air d'être l'histoire de votre vie vu de loin.
- Vous écrivez ça comment ?
- S-E-R-P-I-C-O.
Ils finissent par nous laisser partir. Rugbyman s'approche de Serpico et moi, et nous donne la poignée de main la plus émotionnelle que j'ai reçu de ma vie.
- En tout cas merci…. C'est chouette ce que vous avez fait.
- N'empêche, répondit Serpico, si jamais vous revoyez des mecs comme ça, laissez tomber. Ca vaut pas le coup de finir à l'hôpital pour un distributeur de boissons.
- Mais si on les laisse faire sans rien dire, ils finissent par se sentir totalement impunis et à ne respecter rien ni personne.
- Peut-être, mais le risque que vous prenez ne vaut pas le coup. Sans compter le fait que quelqu'un d'autre autour de vous aurait pu être blessé.
Cette conversion me gêne profondément car je comprends les positions des deux, et je n'arrive pas à savoir qui j'approuve le plus. Il est possible que selon le jour, j'opte pour le discours de l'un ou de l'autre.
Rugbyman rentre chez lui, avec des marques de coups mais aucune séquelle. Serpico et moi reprenons le RER A que nous avions attendu trois heures auparavant,
- Je m'excuse.
- Pourquoi ?
- Quand je vous ai poussé pendant la cohue. Quand j'ai cru que vous étiez avec leur bande.
- Ah. J'imagine que je dois faire jeune.
- C'était courageux de se mettre là-dedans.
- Vous dites " courageux " et pensez " inconscient " non ?
- Un peu.
- Je suis pas un " Serpico " moi. J'ai réagi vite, j'ai pas trop eu le temps de penser. Ca m'a rappelé le guichet de mon boulot.
- Vous faites quoi ?
- Inspecteur des finances.
- Vous nous harcelez pour qu'on paye les impôts c'est ça ?
- En partie.
- Je suis pas très client de votre profession.
- Je suis pas le plus grand fan au monde de la police.
- Vous avez vu la réception ? Je suis flic, et la police m'aime pas énormément. Quand j'ai témoigné contre l'autre, on m'a demandé si je voulais partir. Et j'ai dit non.
- Et donc ?
- On m'a fait partir.
- Pratique.
- De toute façon, je suis pas flic pour les honneurs. Personne n'est flic pour ça, ou alors vous êtes débile. On se retrouve dans une réalité tellement différente de la votre, les cadavres, les meurtres sans raison. Je ne parle jamais de mon travail à ma femme, et je fais mon boulot avec autour de moi je sais pas combien de gars qui me considèrent comme l'enfoiré qui a dénoncé l'un des leurs.
- …..
- …..
- Je sais pas si on vous le dit souvent mais je pense qu'on a besoin de vous.
- On me le dit parfois. Mais on m'insulte beaucoup plus. C'est mon arrêt là, je vais descendre.
- En tout cas…. merci.
- J'ai seulement séparé un gars ou deux.
- C'est pas pour ça que je vous remercie.
Serpico est descendu et je suis rentré en me demandant qu'est ce qui faisait que je me retrouvais systématiquement dans des embrouilles de ce type.
Boris.
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Borislehachoir Hors Ligne Membre Inactif depuis le 15/08/2024 Grade : [Nomade] Inscrit le 23/04/2004 7425 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Borislehachoir le Vendredi 11 Janvier 2019 à 13:21
Merci les gars ^^
Quelques petites précisions en vrac :
- C'est une de mes vies de Boris les plus mal écrites et pour cause, je l'ai vraiment faite d'une traite. Vu l'énormité des circonstances (d'habitude c'est plus des petits trucs que j'essaye de rendre décalés, là c'est un truc sans queue ni tête du début à la fin) j'ai préféré tout balancer très vite tant que ma mémoire me permet de conserver les détails les plus idiots. Qu'on me pardonne le style ^^.
- Serpico est certainement le personnage le plus WTF, charismatique et surhumain apparu dans une vie de Boris. Si on mettait tous les épisodes en film les gens voudraient juste voir le spin-off sur lui - plot twist : il a 26 ans -. On a très vite fait parlé de lui dans le RER et le mec a une formation militaire à la base, je sais pas exactement ce qu'il a fait dans sa vie mais niveau vécu il nous éclate de tellement haut forcément j'ai eu un peu l'impression d'être le parfait pékin pour lui.
- On peut croire dans le récit que la baston a été très longue alors que c'est l'affaire de 30 secondes maxi. Tout s'est passé à une vitesse de dingue et s'est arrêté aussi vite que ça avait commencé.
- J'ai pas spécialement brillé par mes aptitudes au combat même si j'ai réussi quand même à éviter à Rugbyman se prendre quelques coups de plus. Il faut dire que 1) Je revenais moi-même de soirée et j'avais quelques bières dans le sang 2) J'ai clairement agi dans l'optique de SEPARER tout le monde, pas de cogner. Je sais pas si je m'y serais tenu à la troisième ou quatrième beigne mais avec le recul je pense que ne frapper personne était la meilleure solution (j'ai d'ailleurs pas du tout été pris à parti personnellement par les wesh wesh pendant ou après le fight). L'autre truc qui m'a poussé dans ce sens c'est qu'on se battait sur les quais du RER, donc entre les chances qu'un mec passe sous le train et celles que quelqu'un fasse une mauvaise chute, j'avais pas spécialement envie de me prendre un procès en homicide involontaire.
- Si la baston vous semble confuse et difficile à comprendre, ne vous inquiétez pas, c'était le bordel. Quand t'as 15 personnes qui se balancent des gnons, c'est déjà bordélique vu de l'extérieur mais quand t'es au milieu je peux vous assurer que tu piges pas grand chose non plus.
- Personne n'avait d'arme. Heureusement. Les mecs cognaient pas super bien d'ailleurs et ça aussi, heureusement. Pour moi c'est des petites frappes complètement débiles mais pas des vrais caïds, je pense pas qu'ils avaient l'habitude non plus. Reste qu'ils sont tellement cons, c'est évident qu'un jour une de leurs conneries finira mal.
Boris, mec qui kiffe sa nouvelle vie parisienne.
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