Mon voyage à Bologne a commencé... à Barcelone.
Non, ce n'est pas une façon subtile de rappeler ma participation au GP Barcelone il y a près de deux mois : entreprise qui ne fut féconde ni d'une qualif, ni d'un report, ni même d'un petit Pro Point solitaire et inutile. Ce vendredi 5 mai, j'étais
littéralement à Barcelone, pour une escale imprévue en forme de coïncidence.
Flashback à jeudi après-midi. Après une longue période de réclusion magicienne (comprendre que je passe alors le plus clair de mon temps sur Magic Online), je me décide enfin à y
streamer une ligue. Le pool est bon, stimulant ; le résultat mitigé, comme toujours quand je consacre une part de mon attention à commenter les parties au lieu de m'y immerger. Ce faisant, je reçois un texto m'informant que le draft entre amis prévu pour le soir même, qui devait être mon premier dans le format, est finalement annulé. La journée s'écoule, studieuse, un chouïa monotone ; une nouvelle session de scellé en ligne vient le remplacer. Aux alentours de minuit, je consulte les papiers du voyage dans l'intention d'en dresser les différents itinéraires. Salle, aéroport, logement, gare routière... J'ai pris un retour en avion le lundi matin, mais m'apprête à passer la journée du vendredi dans le bus, alors autant profiter de la nuit qui vient pour approfondir les tests.
Le bus... J'y dormirai mal, mais il y a plus grave, et ça fait toujours des économies.
Hum, où avais-je fourré le papier de confirmation, déjà ?
Ah ! Le bus part dans... un quart d'heure.
Argh ??!
Shooté naguère au jus d'orange, et maintenant à l'adrénaline, mon cerveau secoué s'efforce de passer en revue les quelques options qui restent. Porte Maillot est... trop loin. Genre beaucoup trop loin, même en kidnappant un taxi. Renoncer au voyage, mon premier instinct face à une telle déconfiture, ne me rapporterait dans le fond pas grand-chose, car il est très improbable que j'obtienne le remboursement d'aucune des sommes investies. Reste à déterminer si, à cette heure tardive, il subsiste un tarif que je sois prêt à verser pour, comme dirait Orelsan, gagner l'opportunité de le rembourser en atteignant les places payées. Une rapide recherche me donne un vol aller pas
totalement déraisonnable, et sachant que le prix représente à ce stade celui, non plus seulement de l'aller, mais du week-end, qui partira en fumée si je ne prends pas cet avion, je me résous au sacrifice.
C'est ainsi que, douze heures plus tard, attablé à la terrasse d'un café de l'aéroport de Barcelone, j'en arrive à me poser la question fondamentale en ce genre de circonstance : "Comment ai-je pu être aussi c.. ?"
A l'instar de nombreuses questions existentielles, je n'aurai sans doute jamais la réponse ; mais l'idéal serait d'éviter d'avoir à se reposer la question.
Au terme de ces tribulations, j'arrive finalement à Bologne.
Le limité Amonkhet
En-dehors du Grand Prix, mon expérience du format se limite pour l'instant à la Competitive Sealed League sur MTGO, mais je pense en avoir déjà une bonne compréhension.
Amonkhet s'annonçait être le format le plus lent depuis le bloc Khans of Tarkir, et je me réjouissais de cet apparent retour aux sources, dans le sens où on allait à nouveau pouvoir
construire des decks en vue du late game. Bien entendu, même en limité Khans, la curve avait son importance : il fallait faire en sorte de pouvoir affecter le board dès les premiers tours de la partie, quand bien même ce serait avec des créatures défensives ou destinées à trader avec celles de l'adversaire. Mais ces plays d'
early game, bien que recommandables, déterminaient rarement l'issue de la partie ; ou du moins, s'ils le faisaient, c'était d'une façon pas immédiatement visible pour les joueurs, et il s'écoulait encore de nombreux tours avant que cet avantage précoce ne se concrétise en victoire. Entre bloqueurs et removals, le joueur défenseur avait de multiples occasions de revenir - et des occasions qui,
contrairement à un format comme Kaladesh, n'étaient pas que les
illusions d'un esprit naïf.
Amonkhet ressemble beaucoup au format triple Khans de ce point de vue-là. Les
puissants plays de late game et les
synergies générant du card advantage l'emportent sur les
banales 2/2 pour 2 manas. Les bombes définissent les parties, mais pas au point de systématiquement les gâcher (comme c'était devenu le cas avec l'arrivée de Fate Reforged), grâce à des tricks et à des removals de qualité.
Agro est une option viable, même en scellé, ce qui force à prêter attention à sa curve ; mais pas prioritaire, ce qui incite à maximiser la value à tous les étages. Une créature comme
Dune Beetle a ceci d'attractif qu'elle stoppe une bonne partie des 2-drops et 3-drops, y compris
ceux avec la capacité Embalm, mais elle gagne vraiment à être associée à des créatures comme
Ornery Kudu ou à des
effets de sélection de la pioche, pour s'en débarrasser aux stades ultérieurs où son body 1/4 n'a plus qu'un impact mineur. En réalité, comme la plupart des jeux qu'on pourrait qualifier d'agressifs emploient des
créatures qui grossissent avec Exert et des
cartouches pour les rendre plus imposantes encore, les
early drops purement défensifs comme le scarabée atteignent vite les limites de leur utilité. Dans les duels, fréquents, qui opposent deux decks Midrange et/ou Contrôle, où aucun ne cherche à prendre l'autre de vitesse, ces créatures dont le seul intérêt réside dans leur faible coût de mana en viennent à faire la différence, dans le mauvais sens, entre une bonne et une mauvaise stratégie sur le long terme.
Dans ces formats plus lents, où le tempo ne fait pas tout et où les parties tendent à s'échelonner en plusieurs phases,
il convient cependant de nuancer son approche pour ne pas tomber dans l'illusion inverse, qui consisterait à ne raisonner qu'en termes de card advantage. Des cartes comme
Painful Lesson ou
Benefaction of Rhonas, si elles en génèrent, doivent être consommées avec modération, car à dépenser trop de mana et de tours sans affecter directement le board, on risque de prendre trop de retard, même face à des decks qui ne poussent pas spécialement l'agression. Pour saisir cet équilibre entre tempo et CA, mettons-nous en situation :
trois créatures 2/2, tant qu'elles sont contenues par une 2/3, n'ont pas plus d'effet sur le board qu'une 2/2 unique. Maintenant, si au lieu de poser cette 2/3 (ou un autre bloqueur "de sécurité" en prévision d'un removal ou d'un trick), vous dépensez votre mana pour générer une carte supplémentaire avec un piocheur, vous permettez en contrepartie au contrôleur de ces trois 2/2 de profiter du fait qu'elles sont plusieurs. Ce n'est pas du
card disadvantage à proprement parler, car vous ne perdez "que" des points de vie dans l'affaire ; mais disons que vous renoncez à ou retardez l'opportunité de générer du CA virtuel d'une autre manière, à savoir stopper ces trois créatures avec une seule.
Sur un board verrouillé, où personne ne peut attaquer, la contrepartie à dépenser son mana pour piocher des cartes est nulle, mais encore faut-il avoir eu les ressources, et donc construit son deck avec la bonne proportion de Dune Beetles et de
Hekma Sentinels, pour maintenir cette stabilité du board en premier lieu.
Si Amonkhet, par sa relative lenteur, ressemble à Khans of Tarkir, il y a tout de même une différence notable dans la difficulté à construire des jeux tricolores. Le nouveau bloc ne s'articule pas autour d'éclats ou de wedges, ces combinaisons de trois couleurs alliées ou ennemies, et par conséquent, ne leur propose pas le même support - loin de là - au niveau du
mana fixing. Si je souligne ce point, qui peut paraître évident, c'est à force de voir des joueurs, y compris dans des environnements compétitifs, s'efforcer de passer outre la variance avec des builds tricolores à la stabilité douteuse. Peu importe la lenteur du format,
la qualité du fixing traditionnellement disponible en limité ne se prête pas à ce genre de lubies ; et si je peux comprendre l'attrait qu'il y a à aligner toutes ses meilleures cartes au mépris des considérations de couleurs, c'est prendre un risque inutile quand, alternativement, vous pourriez vous contenter des deux tiers d'entre elles. Sans me lancer dans un cours détaillé sur les probabilités, il suffit de lire un
article référentiel de Frank Karsten pour comprendre qu'une manabase à cinq terrains basiques de chaque et une
Evolving Wilds échoue à permettre le lancement des sorts dans des délais raisonnables. Or mieux vaut un deck rempli de 6/10 que l'on peut lancer à coup sûr ou presque qu'une pile de 9/10 injouables la moitié du temps (et si le terme péjoratif de "pile" sert ici à renforcer le contraste, employer "ingénieuse concoction" à la place ne le ferait pas disparaître). La lenteur du format n'est pas non plus une justification recevable à cette pratique : parce qu'Agro, bien que marginal, existe et doit être pris en compte, mais surtout parce que, quel que soit le match-up, un tour perdu à ne rien faire a toujours des conséquences. Concéder en quelques tours face à un board précoce n'est que l'une des punitions possibles aux retards qu'entraînera régulièrement une base de mana trop ambitieuse. A ne rien faire, vous laissez aussi l'adversaire assembler ses propres synergies, générer du card advantage sans avoir à se préoccuper de sa survie, bref, faire toutes ces choses qui lui seraient interdites si vous n'aviez pas choisi de jouer les punching balls. A vous de prendre les mesures qui s'imposent pour rendre les coups... en commençant par renoncer à l'appel du tricolore.
Maintenant que ce principe de base du limité a été réaffirmé, il existe néanmoins une vraie différence entre une troisième couleur franche et un splash, et plusieurs caractéristiques du nouveau set facilitent l'inclusion d'une ou deux cartes chamarrées dans votre deck bicolore. C'est d'abord la capacité Cycling, qui vous donne accès en moyenne à un plus grand nombre de cartes au cours de chaque partie, d'où une probabilité légèrement accrue de lancer votre
spoiler ou votre
hard removal - les deux catégories de cartes méritant d'être splashées en raison de leur impact persistant en late game. Les sorts dotés d'un coût de recyclage incolore, comme
Forsake the Worldly, font également de bons candidats au splash, puisque remplaçables en l'absence du mana requis ; gardez cependant à l'esprit que cette option n'est pas gratuite. Enfin, le vert, comme de coutume, comporte
plusieurs mana fixers, ce qui en fait une couleur de base idéale. Là encore, prenez garde à pouvoir lancer ces fixeurs eux-mêmes dans les temps et, inversement, à ce que le désir du splash ne vous expose pas au flood en conséquence d'un trop grand nombre de sources de mana. Le recyclage, ce petit miracle de flexibilité, aide à atténuer ces risques quand il figure sur des
créatures massives qui peuvent être, au choix, défaussées pour faire tourner la machine ou rentabiliser plus tard tout le mana accumulé.
Je me retrouve à chanter les louanges de Cycling, mais en contrepartie des options
in game offertes par la capacité, elle complique significativement le deckbuilding en scellé. Amonkhet a cette particularité que dans un pool donné coexistent toujours plusieurs decks viables, au sens de listes de 23-24 cartes décentes sur deux couleurs, dont les dernières se recyclent pour compenser leur côté situationnel. Le manque de playables, pratique pour simplifier la construction à d'autres époques, n'y est pas un bon facteur d'exclusion. Parmi ceux qui lui suppléent, l'appel des bombes, cet attrait qu'exercent les toutes meilleures cartes, donne une direction, mais il est à mes yeux surévalué par rapport à la cohésion du plan de jeu et à la force des synergies à l'œuvre dans chaque paire de couleurs. Un
Pitiless Vizier continuellement indestructible ou une
Defiant Greatmaw 4/5 (grâce à
Doomed Dissenter) n'ont rien à envier à une rare "correcte" comme
Curator of Mysteries. Bien sûr,
Glorybringer ou
Angel of Sanctions opèrent à un tout autre degré de boucherie, mais encore faut-il que la couleur leur offre un minimum de support, un semblant de curve : de quoi donner les apparences d'un deck cohérent dans les parties où ils se feront attendre. Vouloir jouer son spoiler est naturel et justifié, mais votre deck doit toujours contenir quarante cartes, et à moins d'un
power level aussi absurde que celui de
Pack Rat en Return to Ravnica, impensable de mulliganer jusqu'à l'obtenir.
Hazoret indiquait la voie du hall 14, où se tenait le GP. L'artwork de son épreuve était le dernier à dépasser avant d'entrer dans la salle, ce que j'ai trouvé plutôt bien vu puisque c'est la dernière que doivent passer les initiés dans la storyline.
Pour reprendre les mots de la déesse : "Eternal glory awaits you, my child."
A l'atterrissage, je me rends directement à Bologna Fiere, dans le nord-est de la ville, pour reconnaître les lieux en vue du lendemain et voir si je peux croiser des connaissances sur place. Je tombe sur quelques Français, mais aussi sur un joueur allemand avec qui j'avais sympathisé sur Magic Online, une expérience sympathique qui montre que le virtuel et le réel n'ont pas nécessairement à s'opposer et qu'il existe des passerelles de l'un à l'autre (comme... donner son nom, par exemple). Bien qu'il ne soit que 17h, je ne peux pas me lancer dans un trial ou un 8-men (ces petits tournois éliminatoires à huit joueurs), la faute au check-in à l'appartement qui doit être effectué avant 20h ; aussi, après avoir assisté à une flopée de miroirs de Mardu en Standard, je m'achemine en bus vers la campagne bolonaise.
Et quand je dis la campagne et non la banlieue, c'est intentionnel, voyez plutôt.
Je traîne un bon moment dans les alentours d'un village qui me rappelle un peu la campagne savoyarde, à cela près qu'ici les commerces locaux ont été préservés : coiffeur, épicerie, cafés,
gelateria à l'italienne... Si je fais des allers-retours, ce n'est cependant pas pour visiter, mais parce que Booking.com a omis de préciser le numéro exact de mon logement dans la rue, et que le numéro de téléphone indiqué ne répond que par des trilles ininterrompus. Par-dessus le marché, je suis envoyé dans la mauvaise direction par un riverain un peu louche à qui je montre mon papier et qui, en plus de ne pas comprendre un mot d'anglais, semble avoir les pires difficultés à lire une carte. Finalement, la coiffeuse, qui fermait boutique, réussit à joindre ma logeuse depuis une ligne fixe. Mes compagnons de voyage habituels pourront constater, d'après ce récit, qu'il m'arrive autant d'embrouilles tout seul qu'en leur compagnie.
Et elles ne s'arrêtent pas là... De façon prévisible, le bus qui relie la ville à mon petit bled ne circule pas après 20h30 le week-end, et seulement toutes les deux heures le dimanche, ce qui m'ouvre la perspective enthousiasmante d'une heure vingt de marche le lendemain soir et, à supposer que je fasse Jour 2, d'une arrivée sur le site avec une heure d'avance.
Qu'à cela ne tienne ! Voyage après voyage, j'ai déjà joué à Magic dans les pires conditions, n'est-ce pas ?
Il faut croire que même enrichi par le jeu, l'imaginaire pâlit face au réel parfois...
Jour 1
La Convergence des Guivres
Mon deck " Wurms" en J1 de Bologne
L'organisation du jour 1 différait de celle de Prague d'une façon certes contraignante pour les joueurs dotés de byes, mais profitable au jeu lui-même. Au lieu de pouvoir construire à n'importe quel moment et d'être regroupés au rythme de leur arrivée - ce qui avait pour conséquence que des amis se retrouvaient à le faire ensemble, dans des conditions propices aux échanges verbaux sur les pools, voire à des échanges de cartes -, les joueurs se voyaient assigner une table et s'asseyaient pour construire par tranches horaires, en fonction de leur nombre de byes.
Le corollaire agaçant à ce système est que, peu importe la pureté des intentions du joueur, il lui est impossible de venir plus tôt pour avoir le temps d'apprivoiser son pool
après avoir remis la liste de son main deck. Personnellement, j'ai rarement le temps d'optimiser (et de sleever) plus d'un deck dans le temps alloué à la construction, et j'apprécie donc de pouvoir profiter des byes pour explorer les différentes alternatives afin de sider au mieux pendant les rondes. Cependant, je reconnais qu'il s'agit là d'un avantage quelque peu injuste sur les joueurs ne possédant pas le moindre bye, et qui doivent se lancer dans leurs premières rondes sans ce temps additionnel pour reconsidérer leurs options. Dans les deux cas, le deck utilisé en G1 a été listé et ne peut pas être modifié, mais l'usage du sideboard, constitué en scellé de tout le reste du pool, était auparavant facilité pour les joueurs à proportion de leur nombre de byes. Au-delà de cette distinction, si une organisation plus stricte peut empêcher des joueurs se connaissant de mettre en commun les boosters qu'ils ouvrent, j'y suis bien évidemment favorable, et j'espère qu'elle sera reconduite à l'avenir.
J'ouvre un pool très satisfaisant, non seulement parce qu'il contient nombre de cartes puissantes, à la fois bombes, hard removals et créatures solides, mais parce que la grande majorité d'entre elles sont concentrées sur trois couleurs. Autant que nous aimons les défis et réfléchir sur des problèmes complexes, cette alliance de force et de facilité sur un tournoi est un peu le rêve de tout grinder. Elle met en confiance d'emblée pour réussir à monter un bon deck dans le temps imparti, à défaut du meilleur, et permet de passer plus de temps à peaufiner les détails au lieu d'agoniser sur la comparaison des couleurs.
Cela dit, une fois le bleu et le rouge éliminés pour leur manque de puissance et de profondeur, j'ai rencontré de vives difficultés à trancher entre le vert et le noir. Le premier proposait des cartes individuellement meilleures et un late game... massif à base de guivres des sables ; le second pouvait se targuer d'une curve plus basse, plus agressive, sans pour autant être démuni en late game grâce à tous les removals. De plus, les statistiques de ses créatures s'accordaient beaucoup mieux avec Dusk // Dawn, qui risquait dans le
de se résumer à un removal difficile à placer. J'ai finalement opté pour la qualité individuelle des cartes, argument fort en scellé, d'autant plus que tous mes hauts de curve ou presque pouvaient se recycler en cas de pénurie, et contribuer ainsi à toucher les land drops pour celui d'entre eux que j'aurais choisi de conserver. Ce scénario s'est présenté à plusieurs reprises dans les rondes, et à chaque fois, la flexibilité de ces créatures, combinée à mes deux accélérateurs de mana, a fait oublier l'apparente lourdeur de la curve.
Le splash, soutenu seulement par Evolving Wilds et Channeler Initiate, manquait de stabilité pour deux cartes, mais je considère Start // Finish comme un demi-splash seulement étant donné que la première moitié du sort peut être lancée sans noir et,
in fine, trade souvent avec une créature attaquante.
Rétrospectivement, à la lumière de mes décisions de side les plus courantes, j'aurais dû maindecker au moins une Pouncing Cheetah au-dessus d'Ornery Kudu. Grâce au flash, la panthère brille en défense, pour provoquer le trade avec une créature Exert dont le contrôleur n'anticipait pas qu'elle serait bloquée, et avec des volantes et un late game d'une telle qualité, cette défense au sol aurait été appréciable. Je maintiens en revanche ma décision de ne pas maindecker ici Stinging Shot, bien que la carte passe souvent le cut dans mon expérience, du fait d'un grand nombre de coûts de recyclage à
sur d'autres qui lui sont supérieures.
Cartes de side potentielles (à gauche) et side deck (à droite).
Sacred Cat a été inclus pour l'exhaustivité, bien que je ne sois pas convaincu qu'il ait sa place quelque part.
Je gagne la
ronde 3 face à un excellent
, contenant notamment Dusk // Dawn et trois copies de Start // Finish. Après avoir remporté la G1 sur Sandwurm Convergence, je side
moi-même dans le but de me rendre moins vulnérable à Dusk // Dawn. Le sort topdecké me détruira quand même deux créatures, dont un Rhet-Crop Spearmaster que j'avais décidé de ne pas jouer dans le deck vert entre autres à cause de lui, justement, mais j'avais encore du gaz dans le réservoir.
En
ronde 4, je remporte la G1 contre
Agro,
a priori un bon match-up, malgré une sortie très pêchue culminant avec
Merciless Javelineer. En G2, je garde une main à trois plaines pour zéro forêt avec Gust Walker, Start // Finish et une guivre Cycling : je piocherai quatre créatures vertes supplémentaires sans jamais voir la moindre source. Mon adversaire décide ensuite, de façon très pertinente, de sider sur la draw dans un
avec un meilleur late game, tandis que je mulligane à six dans un 1-lander. Le dessus de mon deck, clément, m'accorde de quoi enchaîner les 3-drops. Face deux terrains dégagés dont une île, je choisis de tourner autour d'
Essence Scatter ou
Censor, en restant dégagé pour Pouncing Cheetah au lieu d'ouvrir sur Watchful Naga, pourtant la créature la plus rentable à jouer en early. Comme ma main contenait la deuxième panthère et Start // Finish, je pense qu'il était correct de jouer en flash tant qu'il restait up lui-même, mais il s'avère qu'il n'avait pas le contresort et que j'aurais pu tirer une carte de plus du naga. J'enchaîne les sorts, mais sans développer mon mana, et leur faiblesse finit par se faire sentir quand un
Glyph Keeper puis un
Angler Drake touchent le board, me réduisant à lancer un removal l'air de rien en espérant qu'il loupe le trigger. Malheureusement, mon adversaire averti demeure insensible à mes mindtricks de ninja (incroyable !) et m'arrache ainsi 2-1 ce deuxième match.
Je passe la majeure partie de la
ronde 5 à me demander comment tourner autour de
Limits of Solidarity, pour conclure que le kill à la Greater Sandwurm est incompatible avec cette exigence. Heureusement, mon adversaire, une sympathique norvégienne sur
Agro, démontre un talent naturel pour piocher des lands.
Mon deck est stable, puissant, et mes décisions de keep les plus
greedy portent leurs fruits ; aussi faudra-t-il attendre la
ronde 8 pour qu'une véritable tension s'installe.
La G1 est déjà particulièrement disputée. En dépit d'une bonne sortie de ma part, il prend le dessus sur les plans combinés du mana et du CA grâce à
Spring // Mind, puis un Pitiless Vizier qui mérite son nom me 2-for-1 trois tours de suite. Je peine à trouver la deuxième source de blanc pour Oketra's Attendant et le sixième land pour mes guivres chéries, ce qui me force à recycler plusieurs kills en quête d'action et, immanquablement, m'amène à faire full. De son côté, il ne pioche cependant que des early drops
menaçants, mais pas trop. Un topdeck Djeru's Resolve parfaitement timé est suivi d'un Scaled Behemoth, qui tient en respect ses trois créatures à 4 de force. Je suis alors à 5, et la tentation pour lui d'attaquer va être grande... mais ce serait s'empaler dans le Cast Out qui me reste et me descendre à 1 seulement.
Nous sommes dans ma première phase principale et il est lui-même tombé à 6 dans la course. Une attaque au Béhémoth le force au chumpblock, puis l'incite à une contre-attaque non-létale grâce à Cast Out, ce qui lui serait fatal s'il ne pioche pas de créature. Cette ligne perd si sa dernière carte en main a Cycling, car le minotaure 4/2 bloquerait sans mourir. Alternativement, je peux l'exiler pré-blocs, mais il saura alors qu'il ne doit pas attaquer, et la plupart des créatures piochées lui donneront un double bloc sur Scaled Behemoth. Une ligne légèrement plus sûre donc, mais à l'
upside moindre, puisque l'information communiquée le poussera à vouloir stabiliser le board et sortir du mode chumpblock.
Il y a une troisième option, qui consiste à ne pas menacer immédiatement son
life total et rester en bloc moi-même. Qu'il pioche ou non de l'action, il est incité à attaquer, car même en cas de removal il se retrouverait à deux créatures contre une - et s'il brique, tenter le kill est sa meilleure chance. Une draw créature de mon côté, de toute façon nécessaire dans les trois scénarii pour égaler la sienne, s'avère ici particulièrement violente, car elle me permettrait de le forcer au chump avec la créature qu'il vient de piocher tout en survivant à sa contre-attaque.
Après une courte réflexion (plus superficielle que je ne l'aie décrite ici), j'opte pour cette dernière ligne... et elle passe.
La G2 m'informe que son deck est capable de bien pire, puisque je dois faire face successivement à
Liliana, Death's Majesty,
Nissa, Steward of Elements et
Honored Hydra. Malgré un très joli Start // Finish, qui me sauve au point de vie près (décidément) de l'ultimate de Nissa, je finis par succomber au CA accumulé.
Il nous reste une bonne quinzaine de minutes pour la G3 et ma main de départ est prometteuse, mais son tour 4 Liliana me fait vite déchanter. Avec l'énergie du désespoir, j'enchaîne les créatures, qui forcent trades et chumpblocks de la part des zombies sans vraiment le mettre en difficulté. A un tour de l'ultimate qui aurait menacé de détruire mon board, il bifurque sur le -3 pour remonter une volante, sans doute pour se protéger de l'Oketra's Attendant que j'avais précédemment défaussé. Seulement, cette manœuvre défensive m'offre l'opportunité de déployer une autre volante aux côtés de l'avemain embaumé, puis de gérer son
Shimmerscale Drake pour achever le planeswalker.
Je suis loin d'être tiré d'affaire, et le répit est de courte durée. Une Nissa succède à la Liliana et, alors que je prie pour un huitième mana,
Lay Bare the Heart me déleste de Sandwurm Convergence. Tour après tour, je trouve de nouvelles cartes actives qui confortent ma position sur le board, et mes volantes viennent à bout de Nissa avant qu'elle ne génère un trop gros avantage. Je me retourne fréquemment pour consulter l'horloge qui poursuit son décompte inéluctable vers zéro et je sens à ma gauche un spectateur, que je devine être Julien Stihle, en proie à la même tension palpable. Arriverai-je au bout ? Son deck ne contient plus que 7 cartes à force de le creuser, les +1 de Liliana l'ayant très tôt bien entamé, mais bien qu'une victoire finale à la meule semble probable, le peu de temps restant m'oblige à viser les PV. Quand il pioche Honored Hydra, son troisième spoiler, je suis prêt à en gérer la première moitié, et les attaques incessantes de mes deux volantes increvables finissent par l'achever.
C'est ainsi que je termine la journée à
8-1, un score respectable, qui donne bon espoir le lendemain d'accrocher les places payées.
J'avais prévu que la marche du retour serait longue, mais pas à ce point infernale. Tandis que nous bataillions, des trombes s'étaient mises à tomber dehors... C'est le début d'un long périple solitaire, à patauger des kilomètres durant dans les ornières d'une départementale inégalement aménagée. Quand j'arrive
enfin à la porte de mon logement, je me sens comme un zombie passé à l'essoreuse (je suppose que c'est toujours préférable au dessèchement qu'ils connaissent sur Amonkhet, mais quitte à choisir, se sentir vivant ne serait pas plus mal). L'appartement dispose d'un chauffage abondant, et néanmoins insuffisant pour faire ressembler mon sac à dos et ma veste à autre chose que des serpillières détrempées. Jeune idéaliste que je suis, je leur donne la nuit pour sécher, et révise une dernière fois ma liste ébauchée des divers tricks et removals du format avant de sombrer dans un sommeil bien mérité.
Jour 2
Ramper vers l'inconnu
L'espèce de Sultai Ramp bancal que j'ai bricolé lors du premier draft
Autant j'avais pris le temps de me familiariser avec le scellé Amonkhet sur Magic Online, autant le draft de l'édition m'était encore inconnu. Mon excuse ne vaut pas grand-chose, et j'aurais dû passer outre, mais elle est la suivante : je déteste le principe d'une "ligue de draft". Dans mon esprit, le draft se joue à huit autour d'une table, qu'elle soit réelle ou virtuelle, et les participants s'affrontent ensuite
entre eux, pas au hasard des rencontres avec d'autres tables. Le format conserve certes une part de son identité, la méthode de construction, mais tous les mécanismes assurant son équilibre, de l'information glanée sur les rares qui passent aux contre-picks occasionnels, sans parler des disparités de niveau entre les boosters ouverts d'une table à l'autre, part en fumée dès lors qu'on lève cette simple barrière. D'où ma réticence à aborder un format à travers les Draft Leagues MTGO et, fatalement, mon manque de préparation faute d'avoir pu participer à des drafts IRL.
Au demeurant, Amonkhet ne semblait pas être un format très difficile à drafter parce qu'il reprenait les ingrédients du limité les plus traditionnels : bombes, removals, créatures solides et tricks de combat, à picker dans cet ordre. Les archétypes, bicolores, avaient des identités claires, mais des plans de jeu pas si focalisés qu'ils auraient nécessité, pour les exécuter, une expérience spécifique.
Agro,
Zombies,
Ramp,
Cycling... Les grandes incertitudes portaient sur le
degré d'agressivité du format et la
préférence à accorder à tel ou tel archétype, mais sans information là-dessus (et je crois que la question n'était résolue pour personne), j'allais drafter ce qui me paraissait le plus ouvert.
Dès le premier pick, je suis confronté à un choix cornélien entre deux excellents 2-drops, Exemplar of Strength et Gust Walker. Sans préférence nette de couleur à ce stade du format, je jette mon dévolu sur l'évasif, qui demande aussi le moins de set-up pour briller - Exemplar gagne à être pioché tôt ou requiert des tricks plus tard pour le faire passer. Après quoi, à mon grand désarroi, le blanc m'est profondément coupé. Les picks suivants, un Vizier of Many Faces et un Gift of Paradise, me portent dans une toute autre direction, mais ayant passé l'Exemplar, je rechigne un peu trop à picker du vert, ce qui me place dans une position délicate à la fin du pack 1, à cheval sur trois couleurs et sans synergie véritable. Comme j'ai pické plusieurs Evolving Wilds assez haut en prévision d'un tel flottement, je me dis qu'un tricolore ramp avec des bombes représente ma meilleure porte de sortie. J'aurais voulu à un moment me fixer sur
Counters, un archétype plus clair donc plus rassurant, mais j'avais le sentiment d'avoir laissé passer trop de cartes de l'archétype pour en rafistoler une version correcte ; quant à la piste
Cycling, je suis hésitant à abandonner le vert qui, malgré mes réticences initiales à en prendre, semble être resté ouvert.
Le début du pack 2 m'apporte un Scaled Behemoth et à partir de là, ayant trouvé mon kill, je m'emploie à stabiliser la manabase et à consolider la curve. Ce dernier point s'est avéré le plus problématique car parmi les early drops récupérés, il n'y en a que deux qui s'intègrent vraiment à un plan de jeu Ramp, les Dissenters et Initiate's Companion ne tardant pas à perdre tout impact sur la partie. Pour obtenir une base de mana capable de lancer des sorts des trois couleurs en early game, j'ai dû renoncer à splasher Merciless Javelineer, mais surtout, j'ai dû jouer pas moins de 17 lands
plus trois sorts de ramp, sans que le haut de curve ne justifie une telle débauche de mana. Ces deux failles du deck aboutissaient, ensemble, à des mana fulls fréquentes. Il souffrait, pour ne rien arranger, d'une certaine vulnérabilité aux volantes, la grande majorité de ses créatures ne défendant que le sol, ce qui m'a valu une défaite rapide face à
"Flyers" en
ronde 10. Le duo de choc Scaled Behemoth / Vizier of Many Faces m'a tout de même permis de remporter la G2, mais le risque de piocher des 2-drops et 3-drops médiocres après avoir dépensé des cartes pour développer sa mana empêcha le deck de tourner comme un Ramp digne de ce nom aux autres games.
La
ronde 11, face à un
Control splashant vert pour Cartouche of Strength, traîne en longueur : la faute aux nombreux moteurs de card advantage du deck adverse (
Pull from Tomorrow,
Trial of Knowledge)... et à la faiblesse chronique des cartes piochées. En G1, je passe beaucoup temps à ne rien faire et la récursivité de
Trial of Ambition retarde de deux tours le placement du Béhémoth, de sorte qu'il se prend un Essence Scatter quand j'estime enfin pouvoir le jouer. Je side très lourd avec Painful Lesson, un troisième Unburden et un Cancel. Trial of Ambition subira les limites typiques du sacrifice en limité dans les games suivantes, en se retrouvant à chaque fois blanké par un Doomed Dissenter. Cancel sur Pull from Tomorrow force une G3 bien plus serrée que les précédentes. Plusieurs petites créatures me picotent pendant que je sculpte ma main, mais au terme de plusieurs trades défavorables, j'arrive à un semblant de stabilité. Il joue alors
Cartouche of Knowledge sur son
Naga Oracle, qui me soumet à une clock de trois tours. Je calcule qu'avec le trigger d'attaque de Decimator Beetle, la force de sa volante sera réduite à zéro juste avant qu'elle ne m'achève, mais Final Reward me force à trouver une autre réponse... Finalement, c'est Baleful Ammit, le fameux crocodile-lion-hippopotame (ils sont fous ces égyptiens), qui viendra rééquilibrer la course.
Sur le tour critique, j'ai de nouveau assemblé la "combo" Behemoth + Vizier, aux côtés d'un Baleful Ammit et d'un token Zombie. En gardant le zombie en bloc, il doit non seulement le gérer, mais trouver de quoi infliger quatre points supplémentaires, une tâche ardue pour un Contrôle dans ces couleurs. Trial of Ambition me fait hésiter quelque peu, mais je finis par abandonner mon bloqueur, craignant que le sacrifice d'un de mes
beaters lui permette de stabiliser. Il me révèle alors la deuxième carte de son splash vert : Crocodile of the Crossing. Wtf -_-.
La
ronde 12 débute avec un
deck check simultané de notre table et de celle à notre gauche. Mon adversaire avait laissé traîner dans sa deckbox quelques cartes du scellé d'hier, mais elles différaient de celles du draft par l'absence de tampon : en effet, celles des jours 2 de GP en limité sont systématiquement marquées pour les différencier. Tampon ou pas tampon, le contrôle s'éternise, et les decks de la table d'à côté leur ont été rendus depuis un moment déjà, donc je suspecte ce qui va se produire... Eh oui, c'est une
game loss pour
illegal sideboard. Leçon à retenir : ne rangez jamais quoi que ce soit d'autre dans la deckbox qui contient votre deck en tournoi à moins d'en avoir confirmé la légalité au préalable.
Au moins, la G2 fut exotique, avec le rare flashback d'un Commit // Memory à 12 sources de mana contre 7, suivi d'une improbable full alors que je repiochais toutes mes Evolving Wilds précédemment sacrifiées. Comme le
d'en face était gavé de removals, mais ne présentait que de petites menaces, j'ai eu le temps de creuser dans mon Béhémoth et mon Vizir, pour ensuite les abattre dans le même tour et le regarder maudire ses Final Rewards et ses
Electrify. Pour ce genre d'archétype (comme pour... n'importe quel deck qui pionce un peu en fait), une 6/7 hexproof est vraiment le finisher idéal.
Mon UG Ramp à double splash bien plus sexy du deuxième draft... Faut-il y voir la preuve qu'on s'améliore avec la pratique et que j'aurais dû me forcer à faire quelques Leagues ? Sans doute.
Je passe brièvement sur le déroulement plus lisse de ce deuxième draft ainsi que sur les deux dernières rondes du GP, car c'est
la treizième dont je garde sans conteste le souvenir le plus vif. En effet, quand je m'installe à ma table de draft et consulte la liste du pod, un nom me saute aux yeux, dont le propriétaire vient s'asseoir à ma gauche...
Celui de Marcio Carvalho.
Numéro 1 mondial actuel aux Pro Points, Draft Master sur la saison 2015-2016, le palmarès du Portugais s'est pas mal étoffé depuis notre dernière confrontation à Madrid. Il avait alors triomphé avec Abzan Midrange de mon Rhino Pod (nostalgie...), m'infligeant ma deuxième défaite en ronde 13 du tournoi. Or lorsque, après une construction plutôt tranquille, je me dirige vers les appariements, mon appréhension se concrétise : ceux-ci ne sont pas déterminés en croisé, mais aléatoirement au sein du pod, ce qui fait de Carvalho le premier adversaire que j'aurai à défaire avec mon nouveau deck.
Il joue un
Agro d'apparence
médiocre, et dont il dira après le match n'être pas satisfait. Pour autant, la curve est bonne, les tricks et removals diversifiés, de sorte qu'il a le potentiel de vous mettre sous pression et vous prendre au dépourvu alors que vous vous débattez pour stabiliser. C'est ainsi que, très vite, je subis un 2-for-1 ravageur sur
In Oketra's Name, que j'aurais pu voir venir et éviter avec un double bloc parfaitement
safe si je n'étais pas focalisé sur l'ensemble des tricks ciblés. La G1 se termine sur le fil, Fan Bearer me forçant à l'offensive si je ne veux pas prendre passivement des points tous les deux tours. Telle est la particularité des tappeurs, et la source de leur puissance dans Agro : ils créent d'importantes ruptures de tempo quand on les utilise sur deux tours successifs, agissant comme deux removals sur des fenêtres limitées, mais cycliques. Mon Cut // Ribbons défaussé en early game aurait représenté létal si Illusory Wrappings n'offrait pas un chumpblock au contrôleur de la créature enchantée, et il est donc probable que le blowout sur In Oketra's Name ait été le point tournant de la partie.
La G2, également en ma défaveur, est plus unilatérale, avec un
Trial of Solidarity qui me met au fond du trou sur son board à trois créatures, en lui permettant de surcroît d'Exert gratuitement sa
Tah-Crop Elite. J'aurais pu utiliser un
Winds of Rebuke sidé sur l'Elite en début de combat, lui faisant perdre un tour à la relancer et gagnant une bonne quantité de points de vie, mais je l'ai hâtivement laissé attaquer avant de me raviser et de slowroller le bounce spell. Je trouverai ultérieurement une fenêtre où l'échanger en 1-for-1 contre un trick de combat, mais j'ai déjà pris trop de retard pour espérer revenir.
Ces deux erreurs, le double bloc manqué et l'omission sur le bounce, ont une cause commune : le
rythme de la partie. Je m'étais pourtant enjoint, avant le match, de ne pas laisser la renommée du joueur ni mon estime personnelle altérer mon gameplay, mais il faut dire qu'il a lui-même un jeu très nerveux, par moments effréné, si bien que je me suis laissé embarquer à des moments où j'aurais dû prendre mon temps pour réfléchir. Maintenant, cette influence ne s'explique pas seulement par son attitude, dont je ne sais même pas si elle est intentionnelle (le gars lui-même est plutôt sympathique hors-game), mais d'abord par
une volonté insidieuse de faire bonne impression, conséquence de mon admiration, et dont je n'ai pas encore réussi à me débarrasser face à de tels joueurs. A des degrés moindres, je soupçonne qu'elle avait déjà affecté mes capacités contre Ben Stark à Paris et contre Yuuya Watanabe lors d'un draft amical à Portland, la seule fois où il m'avait été donné de l'affronter. Cet effet, bien que partant d'une bonne intention, est néfaste et déstructurant, parce qu'il introduit une "condition de victoire secondaire", qui n'a rien à voir avec la victoire elle-même et qui, inévitablement, finit par entrer en conflit avec elle. Par des retours qui m'ont été faits à l'occasion de tournois plus petits, je sais que nombre de joueurs en font l'expérience... y compris, à tort ou à raison, contre moi ! Reste à trouver une méthode pour éliminer ce handicap, afin de jouer contre les meilleurs comme contre n'importe qui.
Bonus : le draft de 8-men avec lequel je fais 3-0 plus tard dans l'après-midi, battant un pote en quart, un autre pote en demie et en finale, la réincarnation italienne de Jésus de Nazareth.
Avec ce score de 11-4, le meilleur depuis un bail mais encore à deux victoires d'une qualification au Pro Tour, je n'atteins malheureusement que la 80è place, soit hors du top64. Deux Pro Points viennent porter mon total à 6 cette saison, ce qui paraît bien dérisoire, mais eh ! ne dit-on pas qu'on ne sait jamais lequel fera la différence ?
Après avoir disputé un draft supplémentaire en bonne compagnie, et assisté à une tentative audacieuse de passer outre le surtype légendaire de
Heart of Kiran, nous nous acheminons par petits groupes vers le centre-ville pour y dîner. En ce qui me concerne, ce sera une pizza "Jack Sparrow" (mais sans calamars...). Le ventre plein, je prends congé des autres, du moins jusqu'au lendemain matin où nombre d'entre nous prendrons le même vol retour, pour entamer ma longue - et désormais traditionnelle - marche jusqu'à l'aéroport de Bologne.
Du crépuscule à l'aube
Les arcades de la Via Ugo Bassi, qui relie la Piazza Maggiore à la porte Est de la ville, à 00h40
Le chemin du centre-ville à l'aéroport passe par de longues avenues bordées des arcades typiques de la ville, de moins en moins élégantes à mesure qu'on progresse vers la périphérie ; l'interminable Via Emilia Ponente, s'achevant par un pont massif sur le fleuve Reno ; enfin, une banlieue morne, mais pas effrayante, de celles que, pour une raison mystérieuse, j'en suis venu à prendre un certain plaisir à traverser au clair de lune.
L'aéroport, où j'avais déjà dormi (enfin, essayé) lors de ma dernière visite, est cette fois-ci bondé de voyageurs / squatteurs, dont une joyeuse troupe de joueurs de Magic ayant investi la terrasse d'un restaurant fermé pour la nuit. Je les regarde brièvement drafter, puis m'installe un peu à l'écart... avant de voir arriver un joueur de ma connaissance, lui aussi sur le même vol et le même plan nocturne !
Ensemble, grinders dans l'âme, nous discuterons et taperons le carton jusqu'au lever du soleil.