Reports combinés du Grand Prix Utrecht en Standard - qui pour moi n'aura pas duré bien longtemps -, du Pro Tour Qualifier disputé en limité Aether Revolt le dimanche de ce même GP (eh oui, les PTQs à l'ancienne sont de retour !) ; enfin, du RPTQ Lyon du week-end dernier, à nouveau en Standard. Dans des formats aussi riches qu'exigeants, le moindre instant d'inattention peut s'avérer fatal, et j'en ai certainement fait les frais à plusieurs reprises.
Introduction - "Punts"
ou la Pénitence du Post-it
Avacyn ne pardonne rien. Jamais.
A droite de mon bureau se trouve une bibliothèque et, collé sur l'un des montants, un post-it. Ce post-it n'est pas une simple précaution, le rappel d'une tâche à effectuer, comme par exemple : "Finis ton report, espèce de bon à rien, tu as déjà une semaine de retard" (encore qu'une telle injonction ne manquerait pas de pertinence, je devrais songer à en faire un comme ça). Non, si ce bout de papier a valeur de rappel, il est plutôt commémoratif, de l'un des moments les plus détestables que j'aie connus à Magic.
Il y est écrit, en lettres capitales : "
Captured by the Consulate TRIGGER".
Les détails de l'histoire sont de peu d'intérêt - et le message assez explicite. Qu'il me suffise de dire que j'ai donné à un ami un quart de finale de PPTQ sans que ni lui, ni moi ne nous rendions compte que son trick de combat létal aurait dû être redirigé sur une créature que j'avais précédemment enchantée. Evidemment, comme il s'agissait de mon aura, annoncer le trigger (ou capacité déclenchée) relevait de ma responsabilité, et parce que j'avais déjà tendu la main dans l'intention de concéder, l'arbitre a estimé (tout à fait justement) qu'il était trop tard pour l'appliquer.
Quand ce genre de bourde monumentale a pour effet immédiat de clore un match, la frustration n'en est certes que plus grande... mais une fois l'erreur réalisée, l'enjeu a déjà disparu. On se torture vainement l'esprit à essayer de comprendre les causes de sa stupidité passagère, à reconstituer la situation pour se rassurer sur l'inéluctabilité de la défaite ou, au contraire, s'accabler davantage s'il s'avère qu'elle aurait pu être évitée. Toutes ces réactions, ainsi que leurs manifestations émotionnelles, sont 1) humaines, 2) complètement inutiles, puisque le mal est fait, mais surtout, 3) pas néfastes pour un sou du moment qu'on ne s'en prend qu'à soi-même.
Là où les choses se corsent, c'est quand l'erreur en question ne suffit pas à décider du résultat du match. Tout n'est pas perdu, pas tout de suite. Il se peut que la défaite en soit une conséquence, mais avec les informations disponibles, il semble encore possible de remonter la pente. Seulement, est-on encore en état de le faire ?
A force d'expérience, je suis devenu plutôt bon dans ce genre de situations. Après un court moment passé à contempler, incrédule, l'étendue du désastre, je le relègue mentalement à l'arrière-plan (où il sera analysé plus tard) et me concentre, avec une résolution nouvelle, sur les moyens de sauver ce qui peut l'être. Selon votre imagerie, l'arrière-plan peut prendre la forme d'une
note mentale, une deckbox inusitée, l'évier où s'empile votre vaisselle de la semaine... Quelle que soit l'image qui vous angoisse le moins (bien que, dans cette optique, je déconseille la vaisselle), savoir se ressaisir ainsi est essentiel, parce que peu importe le niveau de jeu atteint, ce système imparfait qu'est le cerveau humain continuera de planter de temps à autre.
Malheureusement, dans mon cas, "de temps à autre" signifie "dans les dernières rondes de
chaque tournoi, dès que les enjeux s'amplifient"... et vous l'aurez compris, en tant que littéraire, je ne suis pas très fan de cette traduction. Je cherche donc actuellement à comprendre pourquoi mes scores, dans la grande majorité des tournois, suivent des courbes similaires, à savoir une ou plusieurs défaites précoces suivies d'une remontée qui semble interminable... et pourtant terminée par un bug cérébral massif que je ne m'explique jamais tout à fait. Lose, win, win, win, win... lose. Out.
Dernièrement, j'étais bien nourri, hydraté et reposé, donc difficile d'attribuer ces défaillances à des facteurs physiologiques. Reste à identifier, sur le plan psychologique, ce qui peut bien faire obstacle.
Quant à l'implication de cette chère Avacyn... nous y reviendrons plus tard.
Chapitre I - Utrecht
ou l'Impasse du Serpent
J'avais initialement prévu d'intituler ce report "La Voie du Serpent", mais d'une part ç'aurait été du plagiat, d'un article plutôt bien foutu qui plus est ; d'autre part, au vu du résultat, il paraissait malhonnête de prétendre que la Voie menait effectivement quelque part.
J'avais choisi de jouer, à Utrecht,
Delirium Constrictor, une version agressive du deck centrée sur la puissance de
Traverse the Ulvenwald, qui exploitait également les synergies habituelles entre
Winding Constrictor et des cartes comme
Rishkar ou
Verdurous Gearhulk pour une alliance d'explosivité et de durabilité.
Delirium Constrictor (25/02)
Créatures (25)
4 Winding Constrictor
4 Walking Ballista
4 Grim Flayer
2 Gifted Aetherborn
2 Rishkar, Peema Renegade
3 Tireless Tracker
2 Mindwrack Demon
1 Gonti, Lord of Luxury
3 Verdurous Gearhulk
Ephémères / rituels (12)
4 Traverse the Ulvenwald
4 Fatal Push
2 Grasp of Darkness
1 Murder
1 Ruinous Path
Planeswalker
1 Liliana, the Last Hope
Terrains (22)
4 Hissing Quagmire
4 Evolving Wilds
4 Blooming Marsh
6 Swamp
4 Forest
Sideboard
4 Transgress the Mind
1 Natural Obsolescence
1 Appetite for the Unnatural
2 To the Slaughter
2 Pick the Brain
2 Lifecrafter's Bestiary
1 Ob Nixilis Reignited
1 Nissa, Vital Force
1 Noxious Gearhulk
A l'époque d'Utrecht - c'est à dire il y a deux semaines, mais le Standard est toujours en perpétuelle évolution -, la combinaison de couleurs noir/vert dominait le format, depuis le Grand Prix Pittsburgh dont le top8 en comprenait pas moins de
quatre versions distinctes. Toutes s'articulaient autour du core Winding Constrictor + Walking Ballista, avec Fatal Push comme removal prioritaire, mais les couleurs sont si riches en synergies (et en 2-drops) que ces nombreuses versions continuent de coexister. Encore aujourd'hui, à ma grande surprise, aucune ne s'est imposée comme
la bonne version de BG.
On peut, dans les grandes lignes, faire la distinction entre :
a) l'archétype Traverse the Ulvenwald, ou Delirium. Il vise davantage la partie tardive de la game, où il est favori grâce au tuteur, qui se substitue à des topdecks lands, et à la sélection de Grim Flayer. Ce dernier n'est pas présent en carré dans toutes les listes Delirium, certains considérant que ses stats de base sont mal positionnées face à Winding Constrictor ou
Sylvan Advocate. Si le Delirium est plus difficile qu'avant à obtenir dès les premiers tours, du fait de l'absence d'enablers spécifiques comme
Vessel of Nascency qui ralentiraient le deck, l'inclusion de Walking Ballista rend cette hausse de difficulté minime, et la puissance du trigger de Grim Flayer en fait une menace quelle que soit sa taille.
b) l'archétype
Attune with Aether, qui exploite la synergie du Boa non seulement avec les marqueurs +1/+1, mais aussi avec l'énergie. Il s'agit d'une version bien plus agressive, mais à laquelle
Glint-Sleeve Siphoner, si elle survit, peut tout de même permettre de générer autant de CA que les autres. Attune accélère également
Greenbelt Rampager, impressionnant au tour 2, et la croissance de
Longtusk Cub. Je considère cette variante inférieure en miroir, parce que sa principale source de CA donne une cible avantageuse à Walking Ballista, mais le rapport stats/CCM brut de ses créatures la place au-dessus des autres dans un match-up comme
Tower.
c) l'archétype
Oath of Nissa, apparu à Pittsburgh, qui n'exploite aucune synergie particulière (en plus de celles qui sont à la base de toutes les listes), mais à laquelle Oath apporte un regain de consistance dans les sorties. Elle est la plus à même de curver Boa dans Rishkar, et parce que son 2-drop de choix est Sylvan Advocate, elle dispose par ailleurs d'un late game solide en le combinant à Hissing Quagmire. Au demeurant, il s'agit d'une liste probablement conçue pour battre Mardu Vehicles après le Pro Tour, et je ne suis pas certain de sa pertinence dans un field plus diversifié.
d) l'archétype
Servant of the Conduit, développé par Brad Nelson depuis le Pro Tour, et qui n'inclut aucun des "fixeurs" verts à un mana. En conséquence, il joue plus de terrains, et a accès dès le tour 3 à la combo Tireless Tracker + Evolving Wilds (qui aux yeux de tout adversaire raisonnable devrait vous faire gagner la partie instantanément, mais les gens n'ont pas l'air d'être encore au courant). Cette version, comme celle purement axée sur l'énergie, inclut
Aether Hub, Glint-Sleeve Siphoner et
Aethersphere Harvester. Elle présente un risque accru de flood, mais c'est aussi celle dont l'avantage snowball le plus vite, et la plus adaptée face à 4C Copy Cat : elle garde plus facilement du mana up et pioche beaucoup de cartes, dont des removals pour disrupter la combo.
A mes yeux, la version Delirium demeure la meilleure. Elle joue la carte de loin la plus puissante, Traverse, du niveau d'un
Green Sun's Zenith une fois Delirium obtenu, et le tuteur comme Grim Flayer lui donnent accès à un très grand nombre de cartes à chaque game. Elle est, de plus, moins vulnérable à Walking Ballista, devenue omniprésente dans le format, que celles qui comptent sur Glint-Sleeve Siphoner pour durer dans la game. Enfin, elle dispose de meilleures options de side, entre Pick the Brain et To the Slaughter, qui ne sont que vaguement imités dans leurs rôles respectifs par
Lost Legacy et Ruinous Path. Le premier attaque efficacement des decks lourds qui ne sont pas dépendants d'une combo pour gagner ; le second touche des planeswalkers en fin de tour adverse ainsi que
Torrential Gearhulk. Cela dit, si je devais rejouer BG, j'aurais quand même recours à un ou deux Lost Legacys, tant les contrôles bleus sont dépendants de
Glimmer of Genius pour remporter la bataille de card advantage, et tant la menace de la combo Copy Cat est susceptible de freiner notre développement. Et puis, la carte procure un out définitif à
Ulamog, the Ceaseless Hunger, qu'il n'est jamais agréable de se prendre sur une activation d'
Aetherworks Marvel.
Dans ma liste d'Utrecht, quelques choix spécifiques méritent sans doute des éclaircissements. Mindwrack Demon peut paraître lourdaud comparé à Aethersphere Harvester, mais le deck tourne tellement mieux avec Delirium qu'il en faut certainement quelques-uns ; et en un sens, il joue un rôle similaire à Harvester (avec un tour de retard...) en tant que bloqueur volant pour
Heart of Kiran. La carte est plutôt bien positionnée dans le format, en réalité, elle résiste à
Chandra, Torch of Defiance et attaque violemment les planeswalkers de 4C Copy Cat à travers les jetons Ornithoptère.
J'avais opté pour Gifted Aetherborn pour compléter la curve à 2, mais il existe un nombre assez écrasant d'alternatives à ce CCM, que ma revue des différentes versions de BG n'a même pas fini d'épuiser. On trouve selon les listes des
Scrapheap Scroungers, excellents sur l'offensive et quand on les meule, des Sylvan Advocates, des
Gnarlwood Dryads pour une curve plus basse... Gifted Aetherborn m'avait paru très appréciable en miroir, pour tenir les grosses Gearhulks et arrêter les sorties Boa en l'absence de removal. Ailleurs, contre Copy Cat et Contrôle, il manque singulièrement de punch, et dans un field où le miroir devient de moins en présent, je me rabattrais peut-être sur Scrapheap Scrounger. On peut aussi se contenter de la douzaine de 2-drops, avec éventuellement un treizième tutorisable sur Traverse, et occuper le slot restant avec un removal de plus ou une
Blossoming Defense. Cette dernière perspective me plaît beaucoup dans un format où les deux decks dominants, Mardu Ballista et 4C Copy Cat, comptent l'un sur
Unlicensed Disintegration et Fatal Push pour battre à la course nos créatures plus massives, l'autre sur
Harnessed Lightning et
Oath of Chandra pour partir en combo à travers Walking Ballista. De plus, un tel trick de combat gagne en puissance quand il est quelque peu tombé en désuétude, et il existe d'autres incitations (Verdurous Gearhulk en tête) à attendre le tour adverse pour jouer son removal, ce qui expose à se faire atomiser par la carte.
En side, le carré de Transgress the Mind est absolument essentiel, pour se renforcer contre la combo, les planeswalkers et les decks peu sensibles à nos removals. Au-delà, la quantité de défausse est à adapter au metagame attendu, mais dans un format où traînent des aberrations comme Ulamog,
Metalwork Colossus et
Paradoxical Outcome, je recommanderais de monter jusqu'à 7 ou 8 au total. Une dernière note, sur Lifecrafter's Bestiary : la carte me faisait très mal en tant que joueur de contrôle, mais elle est plus adaptée à la version Energy, dont la curve est plus basse et le compte de 2-drops plus élevé. Dans Delirium, je privilégierais la mise en pièces des moteurs de CA adverse, après quoi quelques planeswalkers et la puissance individuelle des sorts devraient vous donner l'avantage.
Eindhoven, depuis le bus
A la suite de finishs pas très reluisants ces derniers temps, je me suis résolu à essayer le bus pour mes déplacements. C'est moins cher, voire carrément moins cher que le train ou l'avion, et si les trajets ne sont ni courts, ni confortables, mon emploi du temps et ma santé d'étudiant me permettent encore de supporter ces deux inconvénients.
Par contre, quand je dis "inconfortables"... ça n'a rien d'un euphémisme. Passer toute une journée dans un véhicule bondé et surchauffé, constamment ralenti par les embouteillages au point que le retard à l'arrivée se monte parfois à près de deux heures, mieux vaut avoir bien sommeil pour le tolérer.
Nous avions pris un AirBnB à 3 avec Léo et une autre connaissance, et après les sempiternels égarements du vendredi soir, l'installation s'est très bien déroulée. C'est fou comme les Hollandais parlent bien anglais en comparaison des habitants de certains pays de l'Est (et des Français, certes, mais cette vérité est suffisamment répandue et trop souvent exagérée). A tous les âges, notez : on a demandé notre chemin à une vieille dame qui rentrait chez elle, et elle nous a répondu dans un anglais impeccable (avant de nous demander de l'aider à porter son sac,
fair is fair, mais ce n'est pas en banlieue parisienne qu'on assisterait à ce genre de scène).
Léo était parti sur Mardu Vehicles, avec lequel il avait remporté son premier PPTQ le week-end précédent. Difficile de vraiment contester ce choix, même si lui trouvera sans doute moyen de le faire, parce que nous n'avions pas encore assisté à l'innovation qu'y constitue l'inclusion de Walking Ballista au détriment de
Veteran Motorist. Mardu Ballista est désormais un deck à la manabase bien plus propre, parce que
splash rouge pour Disintegration au lieu de
splash
pour Disintegration ET Push, et avec un compte d'artefacts plus élevé pour faire tourner Spire of Industry entre autres. Je parle ici, non pas de la
liste française, avec laquelle Samuel Vuillot a remporté le GP, mais de
celle du finaliste Fabrizio Campanino, dont l'innovation se "limite" à Walking Ballista et Avacyn. Le coût de mana à double rouge de Chandra me paraît assez déraisonnable, et le plan Oaths en side, s'il est sexy sur le papier, amène à désider beaucoup trop d'artefacts pour toucher régulièrement ses couleurs.
Vous l'aurez compris, le GP lui-même ne s'est "pas très bien déroulé". C'est à dire que j'ai joué quatre matchs après mes deux byes et les ai tous perdus, avant de dropper du tournoi. Dans chacun de ces matchs, j'ai commis plusieurs erreurs difficiles à identifier sur le moment, d'une répartition de compteurs sur Verdurous Gearhulk qui pouvait m'exposer au -3 de Chandra à une main de départ parfaitement curvée, mais sans removal, gardée sur la draw, en passant par le refus de jouer un tour 3 Tireless Tracker pour en tirer de la value. Aucune ne m'a coûté à proprement parler le match, puisque j'ai gagné une game en tout et pour tout. Je pense avoir surtout subi des match-ups défavorables : deux 4C Copy Cat, un Bant Marvel avec
Descend Upon the Sinful et
Negate, ainsi que des draws pas vraiment adaptées à ce que faisait l'adversaire. A vrai dire, j'ai beaucoup de mal à tirer des enseignements de ce tournoi, sinon qu'un résultat n'a pas toujours de forte signification. Les tournois suivants ont montré que mon niveau de jeu n'avait pas soudainement dégringolé, à l'exception des punts occasionnels que j'ai évoqués et qu'il me reste à trouver comment corriger. Mon mindset d'une ronde sur l'autre ne s'est pas détérioré. Non, peut-être faut-il se contenter d'oublier cette déconfiture, pour se concentrer sur des données plus évocatrices.
Comme Léo aussi a foiré son GP, on va mettre une photo de lui en train de perdre, afin de faciliter la transition vers autre chose.
Je me suis étendu sur BG Delirium, mais à l'origine, je prévoyais de jouer Contrôle à cet événement, pour profiter de l'évolution du format dans une direction plus Midrange. N'ayant pas réussi à trouver de build qui batte à la fois Mardu, BG et 4C Copy Cat (qu'on devrait d'ailleurs appeler Chaheeli à la française, merci à Vlad2000 pour cette suggestion), je me suis rabattu sur celui des trois Tiers 1 que j'estimais le plus consistant dans un metagame à peu près stabilisé. Je développerai peut-être mes conclusions sur la position précaire de Contrôle en Standard dans un autre article. Il s'avère que dans mon choix de deck et de build, j'ai sous-estimé beaucoup de choses :
- la stabilité de Chaheeli, qui m'était apparue douteuse en test (sans doute parce que nous avions repris la version avec Aetherworks Marvel et Elder Deep-Fiend, moins fiables que des planeswalkers supplémentaires) ;
- le point auquel les gens seraient prêts à ignorer, ou sous-estimer eux-mêmes, l'agressivité de Mardu Vehicles, pour choisir des decks anti-Midrange incapables de battre un tour 1 Toolcraft Exemplar. A vrai dire, je suis toujours étonné de la popularité énorme de 4C Chaheeli, en ligne comme IRL, au vu de son match-up assez désastreux contre Mardu. Et si on parle là d'un deck consistant, avec six removals et une bonne curve de créatures, que dire des gens qui se sont pointés à ce tournoi avec des Ulamogs et des Metalworks Colossus ? Eux ont choisi de perdre, non seulement contre Mardu, mais aussi contre Chaheeli et, avec un supplément de malchance, contre un sideboard de BG prenant en compte leur existence ;
- en premier lieu, la difficulté du format. Bien que j'aie pris le deck en main plutôt vite du fait de mon affinité avec ce genre d'archétype, le Standard actuel offre une énorme quantité de décisions, certaines infimes, d'autres modulables avec des cartes comme Walking Ballista ou Verdurous Gearhulk. Sans jouer une grande quantité de parties avec et/ou contre un deck, il est impossible de ne pas viser à côté à un moment ou à un autre. Magic est un jeu difficile, ce n'est pas une surprise, mais je ne m'attendais pas, par exemple, à ce qu'un archétype agressif comme Mardu présente un tel degré de complexité.
Chapitre 2 - Utrecht (encore)
ou la Conviction de Sram
Il y a à peu près un mois, WoTC a annoncé le retour de Pro Tour Qualifiers "à l'ancienne", dont la première place qualifie directement pour un Pro Tour, sur les dimanches de Grand Prix à l'intention des joueurs ne participant pas au Jour 2. Je suis personnellement ravi par cette décision, qui offre une opportunité de qualification supplémentaire, qui plus est à travers un tournoi de niveau relativement faible, puisque non seulement il se compose de la partie basse du field, mais il aura systématiquement lieu en limité si le GP est en construit, et inversement.
Si ce retour partiel à l'ancien système arrange les grinders, il a pour effet de dissuader encore plus de jouer les Jours 2 de Grand Prix. Ceux-ci avaient déjà nettement perdu en intérêt quand la barre avait été abaissée à 6-3, contre 7-2 précédemment, et le prize pool restreint aux 64 premiers au lieu de 100. Si vous faites 6-3 de nos jours et ne vous préoccupez pas des Pro Points (parce que vous en avez trop peu sur la saison et ne visez aucun rang Pro), jouer le Jour 2 n'a qu'un intérêt financier très faible : pour toucher un cash prize dans un GP de taille moyenne, il vous faudra enchaîner six victoires, ni plus ni moins. Alors il reste l'expérience de jouer à un haut niveau de compétition, ainsi que les deux drafts offerts pour un GP en limité, donc je ne m'attends pas à ce que l'affluence diminue significativement ; malgré tout, une catégorie de joueurs dont je fais partie, qui se préoccupent essentiellement du Pro Tour et des gains financiers, se retrouvent écartelés entre chasser un à trois Pro Points, qui n'auront peut-être pas la moindre valeur, et la possibilité ténue d'une qualification directe. Ce choix est difficile à poser en termes de probabilités, parce qu'il faut prendre en compte l'écart de niveau de jeu entre les deux tournois et que les récompenses sont d'ordre tout à fait différent. Je dirais qu'à cause de la limite des six meilleurs finishs en Grand Prix sur une année, au-delà de laquelle les autres Pro Points cumulés sur ces événements ne comptent plus, il vaut mieux tenter sa chance sur le PTQ dès lors que vous avez déjà grindé un minimum. En tous les cas, c'est un nouveau choix qui se pose pour les qualifiés au Jour 2, et j'espère que WoTC ne poursuivra pas trop loin cette dynamique, dont on ne sait pas bien si elle promeut les GPs ou si elle les dévalorise.
Mon deck de scellé au PTQ de dimanche
Sans images floues, c'est
ici. La version prise en photo était sidée contre un UR Improvise puissant, celui de mon tout dernier adversaire contre qui j'ai disputé des parties totalement épiques. Il jouait notamment une
Baral's Expertise, qui s'est montrée aux trois games, et splashait rouge pour
Dark Intimations. A titre d'expérience, la première avait été filmée, fort à propos, par moudou sur son téléphone, mais d'une part je crois qu'il est vite tombé à court de batterie, d'autre part la qualité visuelle doit être infâme. C'est dommage, parce qu'elle était passionnante et pleine de rebondissements, sans doute l'une des meilleures parties de limité que j'aie jouées en douze ans.
Le tournoi dans son ensemble s'est révélé très fun et riche en enseignements. J'ai terminé à 6-2, un score honorable mais perfectible, après avoir perdu contre un
Agro sur deux deaths, dont l'une résultait d'un mauvais keep, et contre un Abzan Midrange qui ne jouait quasiment que des créatures solides et les boostait avec
Durable Handicraft. Autant j'aurais été bien en peine de faire quoi que ce soit de plus face au redoutable
éléphant à
lunettes de mon adversaire de la ronde 2, autant les phases de combat de l'autre match étaient trop complexes pour que je n'aie pas loupé quelques points quelque part.
Le deck était à la fois plaisant, puissant, et une bonne illustration de comment
, pourtant pas l'une des meilleures combinaisons de couleurs du format, peut faire pour tirer son épingle du jeu : staller le board grâce à la taille des créatures vertes, pour clore avec des flyers. Les interactions autour de la Revolt peuvent aussi générer pas mal de value en mid-game si vous ouvrez suffisamment d'enablers, et le blink de cartes comme Acrobatic Maneuver ou Wispeaver Angel en fait office pour des cartes que vous auriez été amenées à résoudre une première fois sans Revolt. Avec ce build particulier, j'ai gagné au moins une game sur la combo Sram + Conviction, et une autre en curvant Walking Ballista dans Rishkar à la manière d'un BG Constrictor. Beaucoup des meilleures rares du set ne sont pas d'une puissance individuelle phénoménale, mais brillent si on les combine avec certaines uncos ou communes : c'est le cas de Walking Ballista, qui se marie très bien avec le thème marqueurs du vert et/ou les quelques effets de récursion présents en noir. Pour ne rien gâcher, elle déclenche Revolt, ce qui la valorise dans les couleurs d'Abzan.
En bonus, une photo de mon dernier draft du dimanche avant de reprendre le bus :
Chapitre 3 - Lyon
ou la Colère de l'Ange
Entre les Grand Prix Utrecht (24-26 février) et Barcelone (10-12 mars), le RPTQ Aether Revolt faisait la transition dans le même format Standard. Un peu déçu de ma performance avec BG Delirium Agro, mais surtout impressionné par celle des divers pilotes de Mardu Ballista à Utrecht, je décidai de switcher dessus, à la fois conquis par son agressivité, sa capacité malgré tout à gagner des games qui traînent en longueur, la richesse de ses options de side... et dans l'optique de me familiariser avec en vue de Barcelone.
Mardu Ballista (05/03)
Créatures (19)
4 Toolcraft Exemplar
4 Thraben Inspector
4 Scrapheap Scrounger
4 Walking Ballista
1 Thalia, Guardian of Thraben
2 Archangel Avacyn
Véhicules (5)
4 Heart of Kiran
1 Aethersphere Harvester
Planeswalkers (4)
4 Gideon, Ally of Zendikar
Ephémères (8)
4 Fatal Push
4 Unlicensed Disintegration
Terrains (24)
4 Spire of Industry
4 Concealed Courtyard
4 Inspiring Vantage
3 Aether Hub
1 Needle Spires
1 Shambling Vent
1 Smoldering Marsh
4 Plains
2 Swamp
Sideboard
1 Shambling Vent
1 Oath of Chandra
2 Transgress the Mind
2 Oath of Liliana
1 Anguished Unmaking
2 Nahiri, the Harbinger
2 Release the Gremlins
2 Fumigate
1 Ob Nixilis Reignited
1 Sorin, Grim Nemesis
Je reparlerai du deck en détail dans le report de Barcelone, mais il a été jusque là absolument fantastique, au point de me faire regretter de ne pas jouer Agro plus souvent. Je finis 13ème à 5-2 après que ma défaite à la première ronde me force, par répercussion, à jouer la dernière, au lieu de faire draw intentionnel comme tous les autres joueurs à ce score. J'en viens à la perdre, au cours d'une phase d'attaque déchirante... qui n'a pas eu lieu, parce que j'empale une Unlicensed Disintegration sur le trigger Avacyn pré-combat. L'ange procède ensuite à tuer mon pauvre Gideon, raser mon board, et passer à travers ma propre copie d'Avacyn à la faveur d'une dernière Disintegration sur le tour critique. Il y a quelque chose de déchirant à manœuvrer avec tant de soin une position gagnante pour ensuite la perdre sur une seule carte, d'autant plus évidente que c'était la seule à pouvoir la compromettre... et qu'elle m'avait fait gagner plusieurs parties dans la journée sur des erreurs similaires de mes adversaires. -_-
Bref, l'Ange m'aura bien soutenu, mais aussi trahi, et elle a amplement mérité son post-it.
Conclusion - Dos au mur
ou la Meilleure Mentalité
J'ai commencé à réfléchir un peu sur ce qui m'empêchait, tournoi après tournoi, d'atteindre le sommet. Partir du mauvais pied n'aide pas, objectivement : une défaite précoce entraîne de mauvais tiebreakers, le premier étant calculé à partir du pourcentage de matchs gagnés des adversaires rencontrés.
Mentalement, je persiste à croire qu'il existe une raison derrière ce motif, trop souvent reproduit dans mon expérience pour n'être qu'aléatoire. Deux explications me sont venues à l'esprit, mais j'attends encore l'analyse (éclairée, comme toujours) de moudou sur le phénomène :
1) Je joue mieux le dos au mur. Parmi les joueurs Pro de ces dernières années, quelques-uns, comme Jérémy Dezani, se sont illustrés par leur capacité à faire des come-backs sur de gros tournois depuis une position où ils n'avaient, très tôt, plus le droit à l'erreur. Peut-être ai-je tendance à jouer d'une manière trop relâchée, trop automatique dans les premières rondes, faire confiance à mon intuition au lieu de tout réexaminer dans le détail, pour ensuite me forcer à adopter un degré d'attention supérieur quand les choses tournent mal. Au bout de ma série gagnante, la confiance étant peu à peu revenue, je retombe dans une forme de confiance ou d'aisance, qui me conduit de nouveau à un manque de précision dans l'analyse.
2) Je me mets une pression particulièrement grande en début et en fin de tournoi - qui se relâche entre les deux pour une raison échappant à la logique, mais enfin, si nous étions régis par un semblant de logique, le monde serait un meilleur endroit - et cette pression nuit à ma performance. Au début, parce que je ne m'autorise pas à perdre ; à la fin, parce qu'après avoir tant gagné, la crainte de perdre de nouveau atteint son paroxysme.
La vérité doit se situer, comme souvent, quelque part au milieu de ces deux interprétations, si elles ne sont pas toutes les deux vraies simultanément.
Il peut paraître arrogant, ridicule même, de se chercher une raison, une "excuse" aussi élaborée à des défaites chroniques. Peut-être ne suis-je, tout simplement, pas aussi bon que je le crois. D'ailleurs, pour me connaître un minimum, je crois bien n'être pas aussi bon que je le crois (cela génère-t-il un paradoxe ? allez savoir). Peut-être la variance propre à Magic est-elle trop grande pour tirer des conclusions de ce nombre de tournois. Mais année après année, l'échantillon commence à atteindre une taille conséquente, et à considérer quelques résultats chiffrés (comme mon pourcentage de victoire global sur Magic Online), je devrais statistiquement (je dis bien statistiquement, il n'est pas question de cette abstraite notion qu'est le mérite) avoir à mon palmarès quelques accomplissements qui pourtant continuent de m'échapper. Or, si le meilleur niveau de jeu dont je suis capable n'a rien à envier à certains Silver français, il faut en conclure que je ne suis
pas capable de maintenir ce niveau dans les moments où il importe. Et pour quel type de raison, sinon psychologique ?
Affaire à suivre...
Je tiens à m'excuser, auprès de Xins comme des membres, de ma faible activité récente dans la rubrique Standard du forum. Quand je fais les choses, j'aime les faire bien, et un passage en coup de vent ne remplit pas cette exigence. Or je passe beaucoup de temps à préparer mes tournois qui, ces dernières semaines, se sont enchaînés, une séquence qui prendra fin avec le Grand Prix Barcelone (encore en Standard) le week-end qui vient. J'aurai ensuite plus de temps pour modérer, écrire et, qui sait, peut-être streamer du limité Aether Revolt, un format que j'apprécie de plus en plus sans incitation compétitive à le pratiquer.
Merci à ceux qui m'ont prêté ce dont j'avais besoin : un (ou deux) punching-balls, des Mindwrack Demons bien courbés, un peu d'humour pour oublier quatre défaites d'affilée ou la colère d'une ange insouciamment provoquée. Paradoxalement, je ne connais pas de meilleur remède à la mélancolie et au dégoût de soi que de marcher sous une pluie torrentielle, qui lave les tourments en même temps qu'elle donne autre chose à blâmer, de plus superficiel. Merci à la ville de Lyon pour ça.
(Bon, la pizza dégustée en attendant le bus aurait pu être bien meilleure, mais si tout était poétique, plus rien ne le serait.)
Mon mot d'ordre pour la fin de la saison, je l'emprunte à une autre ange, pas moins implacable que la première :
"Pas de repos, pas de pitié et... une tonne de questions."
Sans questions, on s'emmerde.
N'hésitez pas à poser les vôtres dans les commentaires.